Hors des grandes villes, la campagne française a la cote. Chez Ozon et chez Guiraudie, dans tout ce qu’elle a de plus automnale et fongique, chez la jeune cinéaste Louise Courvoisier aussi, dans un aspect plus provincial encore.
Dans son premier long-métrage, Vingt Dieux, récompensé du Prix de la Jeunesse en section Un Certain Regard lors du dernier festival de Cannes, elle pose sa caméra en Bourgogne-Franche-Comté, au fin fond du Jura. Des territoires peu représentés à l’écran et une certaine France pour laquelle la réalisatrice fait preuve d’une tendresse infinie.
Affublé d’un simple surnom, Totone (Clément Faveau, qui mérite la carrière qui l'attend), 18 ans, passe le plus clair de son temps à boire des bières et à écumer les bals du Jura avec sa bande de potes. Mais la réalité le rattrape lorsque son père, fromager, est victime d’un accident de la route mortel, sous le coup de l’alcool. Comme un coup d’arrêt à la fougue de sa jeunesse, voilà Totone obligé de grandir : il doit s’occuper de sa petite sœur de 7 ans, l’emmener à l’école en motocross chaque matin, mais également trouver un moyen de gagner sa vie.
De ce monde bourru et taiseux où il ne fait pas bon exprimer ses sentiments (pas une larme n'est versée à la mort du paternel) et alors même que le film aurait pu facilement basculer dans le drame agricole à la Strip Tease (l’alcool est ambiant chez les jeunes et les moins jeunes, pour pallier l’ennui, la solitude et faire passer le temps trop long), Louise Courvoisier y décèle l’entraide immuable de cette jeunesse agricole à l’accent trainant.
La réalisatrice met toute la lumière sur la force de caractère de ces enfants-adultes, de sacrés débrouillards, qui se retrouvent à faire tourner d'immenses exploitations agricoles, comme avec le personnage tout en caractère de Marie-Lise (Maïwène Barthelemy, comédienne amatrice et élève en BTS production animale) qui se lève aux aurores pour s’occuper de ses vaches. Et de lancer à notre jeune héros, brute de décoffrage : « T’as qu’à arrêter de chialer et te sortir les doigts du cul, non ? »
Totone se met alors en tête de fabriquer le meilleur Comté de la région, celui avec lequel il remportera la médaille d’or du concours agricole et les 30 000 euros qui l'accompagnent. Et nous voilà soudainement bouleversés par la fabrication quelque peu magique du fromage dans un vieux chaudron de cuivre - au diable les mesures d’hygiène, on repassera -, au moins autant que par ce récit sans fioritures mais avec tant d’âme.
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