C'est un film évènement qui a eu la charge d'ouvrir la Quinzaine des Cinéastes 2024, puisqu'il s'agit du septième et ultime film de Sophie Fillières. Ma vie ma gueule, qui sortira dans les salles le 18 septembre 2024, offre le premier rôle à Agnès Jaoui, telle un bouleversant pendant, à l’écran, de la réalisatrice française décédée l'été dernier. Difficile de ne pas y voir le double de celle-ci, de la déceler dans le moindre recoin de cet autoportrait touchant sous les traits de Barberie Bichette (Agnès Jaoui, donc), qu'on appelle à son grand dam Barbie.
Elle a peut-être été belle, peut-être été aimée, peut-être été une bonne mère pour ses enfants, une collègue fiable, une grande amoureuse, oui peut-être. Aujourd'hui, c'est noir, c'est violent, c'est absurde et ça la terrifie : elle a 55 ans (autant dire 60 et bientôt plus !). C'était fatal mais comment faire avec soi-même, avec la mort, avec la vie en somme. Une quinquagénaire un peu loseuse mais finalement si commune. Si banal, aussi, ce quotidien ponctué de courts poèmes pondus sur un coin de nappe en papier et de rendez-vous chez le psy pour expliquer ses ratés.
Au bord de la crise de tout (sa solitude, son divorce difficile à accepter, ses enfants si durs avec elle, son travail inconséquent, ses tocs envahissants), l’envie de tout envoyer valser (« Encore combien de putain de douches avant la mort ? » se questionne-t-elle, « il faut que je reprenne goût à la vie. ») filmée avec une infinie empathie, une sincère absurdité qui découle de longueurs assumées, et un vrai sens du dialogue à la fois drôle et doux-amer.
Porté d’un bout à l’autre par l’immense Agnès Jaoui, le film s’offre aussi des seconds rôles vivifiants : Valérie Donzelli, Laurent Capelluto et Philippe Katerine qui ne fait que passer mais sert de déclencheur à cette prise de conscience chez Barbie. En trois actes au ton tranché - une comédie ‘pif’, une tragédie ‘paf’, une épiphanie ‘youkou’ -, Sophie Fillières livre un dernier film empreint de liberté et de re-connaissance de soi.
Une liberté qu’elle a, elle-même, conservé jusqu’au bout de sa vie, priant ses enfants, Agathe et Adam Bonitzer, de superviser le montage et la post-production de Ma vie ma gueule. Ce qu’ils ont fait, épaulés par les plus proches collaborateurs de la cinéaste.
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