Le loisir mis à mal par la crise de la Covid… À l’heure où la réouverture des établissements culturels et autres terrasses est prévue pour la mi-mai, avec étalement jusqu'à fin juin, qu’en est-il des escape games, grand oublié dans la valse des annonces de réouverture ? La réponse est désormais connue puisque les enseignes vont pouvoir rouvrir leurs portes dès le 9 juin. Une question que les acteurs du secteur se posaient encore il y a plusieurs jours, toujours dans le flou : "Tout le monde est plus ou moins dans l’attente", expliquait le 29 avril dernier, à notre micro, Maxime David, cofondateur de The Game, enseigne parisienne de jeux d'évasion.
Ce qui pesait surtout pour ces établissements, c'est de n'avoir aucune information en amont : "on est dans l’attente d’un calendrier pour des réouvertures, si on est autorisé de nouveau à accueillir des publics, s’il y a des jauges de fréquentation en fonction du mètre carré ou des critères d’assainissement de l’air, ou d’hygiène, voire même de pass sanitaire", nous indiquait de son côté Alexandre Soltani, directeur de l'enseigne Hint Hunt, à Paris. Et de poursuivre : "On est un peu comme tout le monde, pour le coup, il n’y a rien qui est annoncé officiellement en dehors des annonces gouvernementales. On suit ces mouvements-là et on n’a pas vraiment moyen de savoir quand est-ce qu’on va pouvoir vraiment ouvrir".
Et ce n'est pas le plan de déconfinement, présenté par Emmanuel Macron à la presse quotidienne régionale et dévoilé ce jeudi 29 avril, qui est venu clarifier les choses, puisque le secteur du loisir ne figurait pas précisément et clairement dans ce plan. Un énième flou qui les a contraint donc, pour certains, à pallier toute éventualité de calendrier. C'est en tout cas le choix qu'a fait l'enseigne Hint Hunt : "À partir de début mai, on sera prêt à rouvrir à n’importe quel moment. Les plannings sont faits, donc dès qu’on aura une autorisation de réouverture, le lendemain on sera capable d’ouvrir. On se prépare à toutes les échéances", ajoute Alexandre Soltani.
Le directeur de l'enseigne visait tout de même une ouverture pour le mois de juin - et a donc visé juste -, tout comme son confrère de chez The Game : "on s’est fixé le mois de juin puisque cela fait un ou deux mois que l’on commence un petit peu à tendre vers cette perspective-là", souligne Maxime David. Il continue : "vraisemblablement, on ne sera pas dans la première phase de réouverture du mois de mai. On espère faire partie de la seconde phase qui semble être annoncée pour début juin, et au pire des cas, de ce qui semble être dit, pour la mi-juin, voire fin juin".
D'autres voyaient une réouverture plus lointaine. C'est le cas par exemple de 1909 Escape Game, enseigne stéphanoise : "Je me projette plutôt sur septembre, j'évite les plans sur la comète", indique Garance Damart, gérante de l'établissement, à nos confrères du Progrès. Celle-ci pourra donc ouvrir plus tôt.
Les escape games, les oubliés de la crise ? Un sentiment que partagent les enseignes, les loisirs "indoor" peinant depuis un an à se faire entendre. Pourtant, ceux-ci sont parvenus à s'organiser au moment du deuxième confinement en intégrant le syndicat Space, qui s'occupe des parcs de loisirs en intérieur, en y créant une branche "escape game".
Grâce au syndicat, la prise en charge des charges fixes restantes pour les enseignes a ainsi pu être décidée il y a plusieurs semaines, après des concertations avec Alain Griset, le ministre délégué aux PME. "On est un secteur avec d'importantes charges fixes, du fait de la taille des locaux notamment, le fonds de solidarité ne couvrait pas tout", expliquait de son côté Benjamin Barbier, directeur opérationnel de John Doe Escape Game, à Lyon, à nos confrères du Progrès. "On tient, mais c’est une longue attente", précisait également Alexandre Soltani.
Des charges fixes qui, malgré cette aide, restent encore difficiles à gérer : "Nous, on a de grands espaces, pas mal de bailleurs, dont des institutionnels, et l’état et le gouvernement, jusqu’ici, ont annoncé des mesures qui étaient uniquement des injonctions ou des recommandations pour les bailleurs à faire des gestes à leurs occupants. Et un an quasiment d’inactivité, sur cette partie-là de loyer, ça peut menacer les activités", ajoutait le directeur de Hint Hunt. Et de préciser que certaines enseignes ont déjà mis la clé sous la porte : "On sait déjà que quelques enseignes parisiennes ne rouvriront pas".
Une épée de Damoclès qu'évoquait déjà David Musset, co-fondateur l'enseigne, en mai 2020 : "tout le monde a été impacté de la même manière. Si ça perdure et si la reprise est plus longue qu'espérée [...], on s'attend à ce qu'un escape game sur deux soit en cessation de paiement et fasse faillite", expliquait-il à notre micro.
Concernant le retour des joueurs en juin, les deux enseignes parisiennes sont plutôt optimistes, même si les réservations sont à peine ouvertes : "s’il y a un retour des joueurs, il sera peut-être conséquent, parce que tout le monde a envie de se retrouver, à aller dans des restaurants, des bars, retrouver vraiment une vie sociale complète et puis de partager des choses ensemble", prédit Alexandre Soltani. Même chose pour Maxime David : "j’ai bon espoir quant au retour des joueurs. Ils auront envie de sortir, de se retrouver. Je suis assez confiant sur la partie de l’activité".
Un retour profitable pour les enseignes à l'arrivée de l'été, période de l'année prolifique pour le secteur, mais au-delà, la situation est plus incertaine : "malgré tout, on va quand même être impacté comme on avait pu l’être pendant l’entre-deux confinement", s'inquiète le co-fondateur de The Game. Et de continuer : "on va être impacté par le manque de clientèle professionnelle, qui est une grosse partie de notre clientèle. On est également affecté par le manque de touristes, part qui est moins importante, mais qui représente une partie de nos joueurs, et on va devoir miser principalement sur les particuliers". Il ajoute : "Sur la phase estivale, ça va aller parce que l’été, c’est souvent les particuliers qui viennent, donc entre juin, juillet et août on sera sur une reprise qui, je pense, sera relativement bonne".
Et en septembre ? Cela risque d'être un peu plus compliqué. Et pour cause : la période est en général propice aux Team Building, mais les entreprises pourraient cette année ne pas répondre présentes. La raison ? Le télétravail qui devrait se poursuivre encore un peu, ne facilitant pas les retrouvailles entre collègues. "j’appréhende plus la reprise de septembre, où j’espère que les entreprises auront repris également sur site, elles auront envie de refaire du team building", explique également Maxime David. "C’est vrai qu’on a une grosse partie de notre clientèle qui est professionnelle également". Et de conclure sur la question : "je pense que l’on va avoir une rechute en septembre, un contrecoup, et c’est d’ailleurs ce que l’on a vécu il y a un an en fait, c’est exactement ce que l’on avait vécu". Une part qui représente 20 à 35% du chiffre d'affaires de l'enseigne.
Mais tout n'est pas perdu : "Des entreprises me contactent depuis quelques jours pour préparer leurs évènements post-crise, quelque chose de fun et covid-compatible", explique Garance Damart au Progrès.
En attendant, on se prépare. "On a une grosse phase organisationnelle à gérer. On va aussi devoir retester tout le matériel, tout remettre en marche... C'est quelque chose d’assez conséquent", explique le co-fondateur de The Game. Côté mesures sanitaires, en revanche, rien ne changera par rapport au dernier déconfinement. Pour rappel, les escape games avaient signé une charte, faisant consensus au sein du secteur, pour sécuriser les lieux. Intitulée Jouons en confiance, celle-ci permettait la mise en place de protocoles (port du masque, désinfection des salles, mise à disposition de gel hydroalcoolique, créneaux horaires élargis...) pour que les joueurs puissent profiter des espaces sans craindre de contaminations.
"J’estime que ce qui avait été mis en place par les escape games dans l’entre-deux confinement était clairement à la hauteur de ce qui doit être fait, avec du nettoyage des salles, les masques, etc.", ajoutait Maxime David. Et de poursuivre : "je pense que l’on est clairement dans le niveau d’exigence nécessaire et attendu par nos joueurs, par les autorités, et qu’il suffit juste de reprendre ce qui avait été fait, c’était déjà du très très beau travail à l’époque".
Un protocole que reprendra également Hint Hunt : "Notre avantage, c’est que chacun des espaces de jeu, chacun de nos thèmes, à son propre espace d’accueil et son propre espace de briefing, ce qui veut dire que les groupes ne se croisent pas chez nous". Il continue : "les salles de jeux sont aussi désinfectées entre chaque session de jeu, et là il y a vraiment une heure qui est dédiée au ménage des salles de jeux, désinfectées minutieusement puisque les gens sont amenés à toucher des objets dans les salles de jeux".