C’est une salle des Trois Baudets pleine à craquer que nous découvrons ce mercredi 15 novembre 2023. Elisapie est attendue en deuxième partie de soirée, juste après Mesparrow et son électro pop entraînante.
C’est donc un peu avant 21h qu’Elisapie monte sur la scène des Trois Baudets pour sa toute première date parisienne depuis la sortie de son dernier opus, intitulé "Inuktitut". Dans les bacs depuis le 15 septembre 2023, ce disque est un très bel hommage rendu à son peuple, celui des Inuits. En proposant un album entier chanté en Inuktitut, l’un des principaux dialectes du peuple inuit, Elisapie fait résonner sa langue maternelle et sa culture au-delà des frontières du territoire des Inuits. Une langue belle et fascinante que l’on entend trop peu et qui a pourtant tant de choses à nous raconter et à nous apprendre.
Originaire de Salluit, un petit village de moins de 1500 âmes, situé au Nunavik, Elisapie a donc choisi, pour ce 4e opus solo, de reprendre en inuktitut des classiques du rock et de la pop des années 60 et 70, « années charnières » pour les Inuits dira-t-elle ce mercredi soir, mais aussi des morceaux phares des années 80 et 90 qui ont ainsi bercé son enfance et son adolescence.
Ce soir-là, sur la petite scène des Trois Baudets à Paris, Elisapie est entourée de ses trois musiciens. Coiffée de deux fines tresses tombant sur ses épaules, l’auteure, compositrice et interprète inuk a offert un sublime set d’un peu plus d’une heure, à la fois dynamique, mais aussi extrêmement émouvant et touchant.
Sans surprise, c’est en Inuktitut que la chanteuse débute son show en interprétant avec grâce « Heart of Glass » de Blondie, rebaptisé ici « Uummati Attanarsimat », suivi du tube « Time after Time » de Cyndi Lauper (« Taimangalimaaq »). Deux versions qui donnent le ton et montrent toute la richesse de cette langue. Et l'Inuktitut sera mis à l'honneur tout au long de ce concert parisien avec 6 autres morceaux extraits du dernier disque de l'artiste, dont la sublime version de « The Unforgiven » de Metallica. Une reprise osée, mais qui s’avère être certainement la plus belle de son dernier opus. Frissons garantis lorsqu’Elisapie pratique le « katajjaq », le fameux chant de gorge inuit à vous faire dresser les poils sur les bras !
Les cœurs sont déjà bien réchauffés, mais Elisapie continue sur sa lancée en interprétant là encore en inuktitut le hit « Dreams » de Fleetwood Mac, après avoir évoqué le souvenir de son frère, décédé lorsqu’elle n’avait que 2 ans. La chanteuse et activiste inuk transcende ces morceaux connus de tous, en y apportant une sensibilité propre à elle. Ces mélodies familières dessinent alors des paysages plus tristes, mais aussi plus beaux. Car, bien plus que des reprises, ces titres chantés en inuktitut sont également une manière de s’engager à travers la musique. Elisapie souhaite ainsi parler de son peuple, meurtri par des décennies d’assimilation forcée. Et cette sédentarisation dont ils ont été victimes laisse des traces indélébiles, encore aujourd’hui.
Nouveau moment fort en émotion justement avec le titre « Qimatsilunga » (« I Want To Break Free » de Queen). Non sans verser une larme, Elisapie décide de rendre ainsi hommage à son cousin décédé, évoquant à demi-mot son suicide, grand fléau chez les jeunes Inuits.
Mais ce concert unique à Paris était aussi l’occasion pour Elisapie de revenir sur quelques anciens morceaux, extraits du très réussi album "The Ballad of the Runaway Girl". On pense notamment à la très belle reprise « Call of the Moose » du musicien canadien Willy Mitchell, à « Una » une touchante chanson d’amour écrite par Elisapie pour sa mère biologique, au vivifiant « Wolves Don't Live By The Rules », du talentueux Willie Thrasher, au frissonnant « Quanniuguma » sublimé par les chants de gorge de la chanteuse, ou encore à l’engagé « Arnaq » un titre en hommage aux femmes et qui a réussi à faire lever l’ensemble de la salle des Trois Baudets.
On n’oublie pas non plus « Moi, Elsie », une très belle chanson qui date de 2009, écrite par Richard Desjardins, sur une musique composée par Pierre Lapointe.
Le set d’Elisapie, déjà poignant et puissant, s’achève avec une incroyable et mémorable reprise de « Wish You Were Here » des Pink Floyd, intitulée ici « Qaisimalaurittuq », et chantée a capella. Réunis autour d’un seul et même micro, les trois musiciens et Elisapie ont véritablement bouleversé et touché au plus haut point le public de la salle parisienne. Comme pour tenter de faire le deuil de ces nombreux Inuits décédés au cours des dernières décennies, Elisapie nous tire des larmes et nous rappelle à quel point la musique est là pour rassembler et réchauffer les cœurs.
Ce qui ne devait être au départ qu’un projet musical local s’est finalement transformé au fil du temps en véritable album, amenant Elisapie sur les routes du Québec et de France, avec cette volonté et cette fierté de faire découvrir l’Inuktitut au plus grand nombre. Alors, pour ça, Nakurmiik Elisapie !
Pour les absents, sachez que Elisapie doit revenir à Paris au printemps prochain. Cette fois-ci, elle sera le 2 avril 2024 au Café de la Danse.
Setlist
Lieu
Les trois baudets
64 boulevard de Clichy
75018 Paris 18
Site officiel
www.elisapie.com