Le dossier Berges de Seine enflamme Paris depuis la décision du Conseil de Paris en 2015 d'interdire la circulation des voitures sur une distance de 3,3km, du tunnel des Tuileries (1er) au bassin de l’Arsenal (4e).
Après plusieurs recours en Justice, la Mairie de Paris vient d'obtenir l'autorisation d'interdire la circulation automobile sur les berges de la rive droite au titre de la protection du patrimoine mondial de l'UNESCO.
Retour sur les faits, version chronologique :
Le réaménagement des berges de Seine doit amener la création d’une promenade publique sur une distance de 3,3km, du tunnel des Tuileries (1er) au bassin de l’Arsenal (4e). À ce propos, la Mairie souhaite la fermeture à la circulation automobile de la voie Georges Pompidou. Elle lance alors une grande enquête publique pour faire valider le projet.
Pendant 10 mois, la Mairie de Paris a travaillé sur une grande enquête publique pour déterminer les risques et les avantages de la fermeture définitive des berges de Seine à la circulation. Le conseil de Paris valide le projet bien que l'autorité environnementale ait souligné des insuffisances dans son avis du 10 mai 2016. La commission d'enquête publique avait quant à elle émis un avis défavorable au projet le 8 août 2016, estimant ne pas pouvoir se prononcer sur l'intérêt général du projet.
L'arrêté N° 2016 P 0223 porte sur la création d'une aire piétonne sur les berges de Seine. Cette décision se base entre autres sur le fait que "la Ville de Paris encourage l’utilisation de modes de déplacements actifs, dans une perspective de réduction des émissions de polluants atmosphériques et d’amélioration de la santé publique et que les rives de la Seine constituent un site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1991 et que la réduction de la circulation automobile associée au développement des activités piétonnes est de nature à valoriser ce patrimoine"
La région Ile-de-France, le département des Hauts-de-Seine, le département des Yvelines, le département de l'Essonne, le département du Val-d'Oise et le département de Seine-et-Marne demandent au Tribunal administratif :
1°) d’annuler la délibération du 26 septembre 2016 par laquelle le Conseil de Paris a adopté la déclaration de projet de l’ opération d’aménagement des berges de la Seine à Paris 1er et 4ème arrondissements
2°) de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 10 000 euros.
Ils considèrent que la Ville de Paris viole des articles de loi et qu'elle est "incompétente pour prendre une décision ayant le même effet qu’un déclassement de la voie Georges Pompidou de la liste des axes permettant d’assurer la continuité des itinéraires principaux dans l’agglomération parisienne". Pour eux "la délibération peut être à l’origine de nuisances pour tout ou partie de la population de leur territoire et porte atteinte aux intérêts dont ils ont la charge en vertu de leurs compétences propres, en particulier la définition de la politique régionale des déplacements pour la région Ile-de-France et la gestion des routes départementales pour les départements".
En se penchant sur le dossier, le Tribunal administratif de Paris valide la recevabilité des plaintes, et annoncé l'annulation de l'arrêté du maire de Paris n° 2016 P 0223 du 18 octobre 2016, et la réhabilitation des Berges de Seine à la circulation.
Anne Hidalgo, Maire de Paris, prend la parole le 21 février 2018: "pour certains élus de droite parisienne et régionale, une autoroute urbaine vaut mieux qu'un parc en cœur de ville. Nous sommes déterminés à faire de Paris une ville respirable, plus apaisée, où il sera possible de lâcher la main de son enfant dans la rue".
Et de poursuivre : "Paris ne s'est pas faite en un jour, la transition écologique non plus. Je le dis aux parisiennes et aux parisiens, nous ne laisserons pas faire cela. Vous nous avez élu pour faire valoir votre santé, nous ne vous laisserons pas tomber".
Par la suite, la mairie de Paris a expliqué qu'elle faisait appel de cette décision et avait pris un nouvel arrêté de piétonnisation s'appuyant sur le caractère patrimonial des Berges de Seine. En effet, les Rives de Seine sont inscrites sur la Liste du patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1991.
La maire de Paris a émit un nouvel arrêté interdisant de façon permanente la circulation des "véhicules terrestres à moteur" sur les berges de la rive droite entre le quai des Tuileries et le tunnel Henri IV. Cet arrêté se base sur la nécessité de protéger le site classé au titre du patrimoine mondial par l’Unesco.
Pour la Mairie de Paris, la circulation des véhicules peut porter atteinte à l’authenticité et à l’intégrité du site et réduit la valorisation du site à des fins esthétiques et touristiques. Ces arguments s'inscrivent dans une politique de la ville qui vise à « déambuler le long du fleuve, sans interruption et en longeant les monuments les plus fréquentés de Paris avec une perspective visuelle inédite, et multiplier les évènements, conviviaux ou sportifs, et favoriser l’activité commerciale ».
Alors que de l'eau a coulé sur les ponts, et que les parisiens ont pu profiter des berges pendant l'été, le Tribunal administratif de Paris rend enfin son verdict sur l'appel de la Mairie de Paris. Celle-ci contestait le retour de la circulation sur les berges ordonné le 21 février. L'appel a été rejeté. La justice donne région à la région et aux départements plaignants : la mairie n'aurait pas eu le droit d'interdire la circulation en 2016.
Pour Christophe Najdovski, adjoint à la Maire chargé des Transports, rien n'est perdu car la Mairie a déposé un 2e arrêté le 6 mars 2018 : « Comme toute démarche administrative, ce nouvel arrêté comporte bien entendu une part de risque juridique. Nous sommes toutefois confiants, car son contenu respecte le jugement du Tribunal administratif et s’appuie sur l’expertise du Préfet de Police. Nous sommes aussi heureux d’avoir pu compter sur le soutien du gouvernement, par la voix de plusieurs ministres : il s’agit d’un partenaire important sur un sujet comme celui-ci ».
Le Tribunal administratif de Paris donne raison à la Ville de Paris en confirmant la légalité de l'arrêté pris le 6 mars 2018, portant sur l'interdiction de circulation sur les berges de Seine rive droite.
Dans sa décision, le tribunal juge que :
1° "l’arrêté répond à des buts prévus par la loi, à savoir la protection d’un site classé au patrimoine mondial de l’humanité et la mise en valeur du site à des fins esthétiques ou touristiques"
2° "les désagréments que l’arrêté cause en termes d’allongement de temps de transport, de qualité de l’air et de nuisances sonores sur les quais hauts sont limités".
3° "l’arrêté n’est entaché d’aucun détournement de pouvoir ou de procédure dès lors que son but correspond aux buts des mesures de police qui peuvent légalement être prises par la maire."
Mot de la Fin ?
Après autant de péripéties, Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la Maire de Paris a commenté le 25 octobre 2018 : "Le droit administratif, c’est comme les histoires d’amour. C’est complexe, parfois chaotique, souvent long à se construire... Mais avec de la ténacité et de la détermination, il n’est jamais interdit de nourrir les plus grandes ambitions, et comme pour les histoires d’amour c’est toujours à la fin du jour qu’on en tire tous les enseignements."
Attention toutefois, les histoires d'amour, finissent mal, en général !
Site officiel
paris.cour-administrative-appel.fr