Les hôpitaux sont-ils prêts à faire face de nouveau à une vague de contamination au coronavirus ? Une question qui taraude de nombreux soignants, à l'heure où le nombre de cas ne cesse de progresser dans les établissements de soin dans toute la France. Une situation sur laquelle est revenue, dans un entretien avec nos confrères de Ouest France, le professeur Frédéric Adnet, chef du service des urgences de l’hôpital Avicenne et auteur du livre Les Fantassins de la République. Covid-19, un printemps en enfer.
Un constat tout d'abord : "Les moyens matériels sont là, mais les personnels soignants sont fatigués. Les renforts manquent", peut-on lire. Et une inquiétude en ce qui concerne cette question et l'évolution de la situation sanitaire pour le professeur Adnet : "Cela peut être pire et c’est un vrai paradoxe. Au printemps, on a vécu un tsunami. Aujourd’hui, c’est plutôt une baignoire qui se remplit progressivement", explique-t-il. Il poursuit : "On gère des flux croissants de patients Covid qui s’ajoutent à nos patients habituels. Le temps de doublement est de quinze jours. Ça peut sembler modeste, mais c’est continu. On sait que la baignoire va déborder et qu’on va se trouver en grande difficulté".
À l'hôpital Avicenne, à Bobigny, la saturation est proche : "On est à 50 % de lits Covid et 50 % de lits non-Covid. Si on reste sur la même dynamique, on serait à saturation le 27 octobre", ajoute le professeur. Et de comparer la situation à celle du mois de mars : "Au summum de la crise, on a été près de pratiquer de la médecine de guerre. [...] On n’arrivait plus à soigner nos patients. On était à 100 % de Covid, sans aucune marge", rappelle-t-il. Il continue : "À deux jours près, fin mars, on aurait dû commencer à faire des choix terribles, comme avaient dû le faire nos collègues italiens", avant d'ajouter que "pour l’instant, on s’interdit de déprogrammer les autres patients. Mais il le faudra". Il conclut : "on sait qu’on n’aura pas les renforts des soignants de la province, qu’on ne pourra pas faire de transferts dans d’autres régions".
Le professeur Adnet est également revenu sur l'état de l'hôpital et de ses soignants, déjà malmenés pendant la crise et dont la fatigue se fait sentir. "Le personnel est fatigué et peu motivé", explique-t-il, toujours à nos confrères de Ouest France. Et de poursuivre : "Il n’y a plus l’adrénaline de la première vague. Enlever les habits de « super-héros » a été difficile, personne n’a envie de les remettre". Il conclut : "Beaucoup ne se sentent pas prêts à affronter un deuxième rebond de l’épidémie".
Une fatigue en grande partie due également au manque de personnel : "On a assez de matériel, mais pas assez de personnel formé", évoque Frédéric Adnet. Selon lui, il aura fallu profiter de cet été pour anticiper : "On aurait dû prendre les infirmières de troisième année et faire des formations rapides en deux mois", souligne-t-il. Et de poursuivre : "Macron avait dit qu’il allait investir massivement dans l’hôpital public. Le Ségur de la santé, ce n’est finalement qu’un verre à moitié plein. Il aurait fallu un plan Marshall de l’hôpital, avec un vrai moratoire sur les fermetures de lits, l’ouverture de services de réanimation et une vraie revalorisation des soignants".
Des soignants qui ne sont pas près de faire une pause, puisqu'Olivier Véran a annoncé qu'il pourrait être demandé aux soignants de renoncer à leurs congés pendant les vacances de la Toussaint à venir... Une mesure qui se ferait sur la base du volontariat.