Santé au travail : syndicats et patronat trouvent un accord

Par Cécile de Sortiraparis · Publié le 10 décembre 2020 à 11h17
Télétravail, risques professionnels et psychosociaux, qualité de vie... Au terme d'une longue négociation, les partenaires sociaux se sont mis d'accord sur un accord national interprofessionnel sur la santé au travail.

Il aura fallu six mois aux partenaires sociaux pour trouver un accord. Depuis le 15 juin, et après 13 séances de négociation, syndicats et patronat ont enfin adopté le texte définitif de l'Accord National Interprofessionnel (ANI) sur la santé au travail. Ce texte met en avant la prévention et prévoit l'amélioration des dispositifs existants, notamment pour les petites et moyennes entreprises.

La majorité des syndicats ont émis un avis favorable à cette mesure. La CFDT, le FO, la CFE-CGC, le Medef et l'U2P ont annoncé qu'ils signeraient l'accord. La CFTC se dit mitigée et la CGT a rejeté l'accord, selon une source syndicale citée par Les Échos. Côté patronat, la CGPME se réserve quelques jours pour choisir de signer ou non. Diane Deperrois, chef de file des négociateurs pour le Medef, explique que les syndicats ont jusqu'au 8 janvier pour se décider. 

Les accords de la CFDT, de la FO et de la CFE-CGC représentent cependant une large majorité, puisque ces syndicats ont la plus grande force de représentation des travailleurs en France. Le Medef, par l'intermédiaire de Diane Deperrois, s'accorde quand même à dire au Monde que « cet accord est novateur avec comme colonne vertébrale la prévention, il comptera dans l’histoire de la santé au travail. »

L'ANI est le premier texte proposé sur la santé au travail depuis 13 ans. On retrouve dans cet accord une dizaine de points essentiels, encadrant la santé mentale, physique, la qualité de vie ou encore la prévention de la désinsertion professionnelle des travailleurs malades.

  • Prévention primaire 
    Ce volet regroupe les actions concrètes entreprises pour supprimer en amont les problèmes dans le cadre professionnel, avant qu'ils ne nuisent à la santé des salariés. Cette préoccupation est en tête de liste de l'ANI, qui voit la prévention comme un « investissement aux effets durables, qui contribue à la performance individuelle et collective ».

  • Risques psychosociaux 
    Ces risques regroupent tous les facteurs de risque de stress au travail. Le but est de prévenir les dépressions, burn-out ou suicides provoqués par un environnement de travail trop stressant. Selon l'accord, l'employeur doit désormais « évaluer et mettre en place les actions de prévention » dans le cadre professionnel, tout en respectant scrupuleusement la vie privée des employés. Le HuffPost précise que « l’évaluation et l’analyse des organisations de travail sont à peine évoquées sauf à prendre en compte "les changements" qui peuvent intervenir rapidement dans l’entreprise (méthodes de travail, changement des techniques, modification des fonctions managériales...) et "susciter certains risques", non spécifiés. »

  • Risques professionnels 
    Sous cette partie, on retrouve tous les risques liés à la pratique professionnelle. Cela comprend des risques dits "classiques" : risques physiques, chimiques, biologiques, d’accidents, liés aux contraintes de situations de travail. On note également la mention de l'usure professionnelle, des troubles musculo-squelettiques, des risques émergents liés aux nouvelles technologies ou aux nanoparticules. Mais aussi « d’autres risques extérieurs » comme les risques « sanitaires ou environnementaux » pouvant « venir percuter l’activité de l’entreprise » et pour lesquels « les consignes de crise des pouvoirs publics (prennent) le relais de la réglementation ordinaire. »

  • Qualité de vie et des conditions de travail 
    Précédemment appelé "Qualité de vie au travail", ce sujet est l'une des thématiques de négociation obligatoire selon le Code du travail. Le but ici est d'équilibrer les rapports vie privée/vie professionnelle, de gérer les conditions de travail, l’utilité et le sens du travail, ses transformations rapides, la conduite du changement, la mobilisation de modalités d’organisation du travail tel que le télétravail, ainsi que l’expression des salariés et leur participation dans le champ de la santé au travail.

  • Responsabilité de l'employeur 
    Le Code du travail précise que l'employeur est tenu de protéger la santé de ses salariés, par différents moyens. Si cet engagement n'est pas respecté, la responsabilité civile et pénale peut être engagée. Dans le texte de ce nouvel accord, on trouve un rappel pour les employeurs, qui « sont incités (...) à développer des actions de prévention ». Une phrase protège cependant ces patrons. L'ANI estime que « la jurisprudence a admis qu’un employeur et ses délégataires pouvaient être considérés comme ayant rempli leurs obligations s’ils ont mis en œuvre les actions de prévention. ».

  • Branches/PME 
    L'ANI prévoit la création d’une commission paritaire dédiée à la santé et à la sécurité au travail au sein des entreprises de moins de 300 salariés, dans le cadre du Comité Social et Economique de l'entreprise.

  • Médecine du travail/Médecine généraliste 
    Pour contrer la pénurie de médecins du travail, l'ANI propose une collaboration entre la médecine du travail et la médecine de ville. Des « médecins praticiens correspondants volontaires et formés » pourraient gérer les salariés qui ont besoin de « visites médicales périodiques et de reprise du travail », tandis que les médecins du travail se concentreraient sur les salariés « ayant besoin d'une surveillance spécifique du fait des risques associés à leur poste ».

  • Prévention de la désinsertion professionnelle 
    Ce volet est d'une importance majeure pour les médecins du travail et leurs patients. Selon le SNPST, le Syndicat national des professionnels de la santé au travail, environ 80 000 salariés sont licenciés chaque année, après qu'ils aient été déclarés inaptes au travail par leur médecin. L'ANI prévoit donc la création de cellules dédiées au sein des services de santé, ainsi qu’une visite médicale de mi-carrière, afin de mieux suivre et conserver un salarié malade à son poste.

  • Services de prévention et de santé au travail 
    Les entreprises se doivent d'adhérer à un service de prévention et de santé au travail. Pour mieux réguler ces prestataires, l'ANI souhaite améliorer la coordination, le maillage territorial et les missions de l’ensemble des acteurs de la santé au travail. Une « offre socle » de services « labellisée » doit permettre de lutter contre l’hétérogénéité de ces services.
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