« Déconfinons la culture » : voilà le message adressé par les professionnels du secteur à Emmanuel Macron, dans une lettre ouverte relayée par Le Parisien le 28 février dernier. Cinémas, musées, théâtres, concerts... Tous demandent à pouvoir reprendre leur activité et rouvrir leurs salles.
Colère, frustration, peur de voir la culture s'effondrer : les professionnels veulent agir maintenant. Tous sont prêts à appliquer les protocoles nécessaires et à redonner un peu de vie à ces secteurs en sursis. « On est des professionnels de l'accueil, insiste Malika Seguineau, directrice générale du Prodiss, syndicat qui regroupe 400 producteurs de spectacles musicaux, d'humour et de festivals. On veut dire à l'État : Faites-nous confiance! »
Pour Bertrand Thamin, président du Syndicat national du théâtre privé, le gouvernement ne peut plus faire de promesses en l'air : « La non-réouverture des salles le 15 décembre a été un gros traumatisme. On avait tellement bossé pour rouvrir. Grâce aux aides, on est plutôt bien lotis, mais ce qu'on veut, c'est pouvoir exercer notre métier! Et le débat sur le non essentiel a été très mal ressenti. »
Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la Fédération nationale des cinémas français, pense même que la culture est indispensable à l'équilibre des citoyens : « Le spectacle vivant, le cinéma, c'est le plaisir de vivre ensemble. Cette fermeture, c'est une amputation d'une partie de la vie des gens, une émotion partagée qui n'existe plus. On ne peut pas juste être des consommateurs et des travailleurs. Sans la culture, il y a un déséquilibre. On voit bien la flambée des maladies psychiatriques. »
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Pour répondre à ces nombreuses critiques, Roselyne Bachelot a accordé un entretien au journal Le Parisien. La ministre de la Culture défend chaque décision prise par le gouvernement. Elle rappelle entre autres que la réouverture envisagée le 15 décembre dernier était soumise à certaines conditions : le taux de contamination devait baisser pour rester en dessous es 5 000 cas par jour, niveau qui n'a pas encore été atteint.
Après le rendez-vous manqué du 15 décembre, puis celui du 7 janvier, le gouvernement a décidé de ne plus donner de date de réouverture possible. Désormais, les ministres préfèrent mettre en place des cadres de réouverture, négociés avec les acteurs des secteurs concernés. Sur ce terrain, la ministre assure que chacun a pu être entendu : « ce n'est pas un calendrier que l'on prépare mais un cadre… que l'on dessine avec les acteurs eux-mêmes, ceux-là mêmes qui nous interpellent aujourd'hui d'ailleurs! Il y a plusieurs secteurs d'activité dans la culture, avec des enjeux, des réalités et des problématiques différentes : les musées, monuments et centres d'art, les cinémas et le spectacle vivant, les très grands festivals à qui nous venons de donner un cadre. »
Lorsque l'on évoque la reprise des activités culturelles dans d'autres pays, Roselyne Bachelot ne se laisse pas impressionner. Elle évoque d'ailleurs les cas où cette réouverture précoce des lieux culturels s'est mal passée : « Les rares qui desserrent les contraintes le font soit parce que leur situation sanitaire est largement meilleure que la nôtre, soit parce qu'ils n'ont pas (...) les moyens de soutenir autant que la France les structures culturelles et les artistes qui ne peuvent travailler ! Aux États-Unis, les cinémas qui s'apprêtent à rouvrir sont fermés depuis 1 an, et avec des salles remplies à 25 %, ça n'est pas imaginable chez nous ! Et concernant l'Italie, la Toscane a refermé précipitamment ses musées, pourtant ouverts de façon minimale en excluant le week-end ! »
La ministre de la Culture insiste également sur tous les événements culturels qui ont pu se maintenir en France malgré la pandémie. « Il me semble particulièrement indispensable de redire que la culture n'est pas à l'arrêt dans notre pays : les captations, les résidences, les tournages, et les répétitions si importantes pour préparer présenter des spectacles quand les lieux culturels vont rouvrir, sont maintenus. (...) Les galeries d'art et les disquaires ont pu rouvrir début décembre. (...) En février, France Télévisions a créé une nouvelle chaîne : Culturebox, qui permet de voir gratuitement du théâtre, de la danse, des concerts… », cite-t-elle.
Elle reconnaît que les lieux culturels ne sont pas des lieux favorables au développement de cluster, comme le montrent de plus en plus d'études. Cependant, la ministre explique que ce sont les flux de personnes qui sont à redouter, et que tout lieu ouvert au public engendre forcément de tels mouvements de population. De plus, elle affirme vouloir protéger les équipes artistiques, qui peuvent être plus à risque si les spectacles reprennent. Roselyne Bachelot promet ainsi que ces questions sont toutes à l'étude dans la préparation des réouvertures de lieux culturels.