Coronavirus : la Haute Autorité de Santé dit non à une autorisation précoce du molnupiravir

Par Laurent de Sortiraparis, Manon de Sortiraparis · Publié le 13 décembre 2021 à 14h17
La Haute Autorité de Santé a annoncé, dans un avis rendu le 10 décembre, ne pas avoir autorisé l'utilisation en urgence du molnupiravir (Lagevrio) en prévention d'une infection au coronavirus. Un avis qui va à l'encontre de ce qu'annonçait l'Agence européenne des Médicaments, le 19 novembre dernier, autorisant l'usage du traitement en cas de force majeure.

Le molnupiravir, une pilule anti-Covid efficace contre le virus ? Le 19 novembre dernier, le régulateur européen annonçait dans un communiqué autoriser l'usage du molnupiravir (commercialisé sous le nom de Lagevrio) en cas d'urgence afin d'éviter les hospitalisations et l'aggravation des cas de Covid. Une autorisation qui valait uniquement pour un usage urgent, mais en aucun cas pour une commercialisation. "On attend dans les deux mois une autorisation officielle de l’Agence européenne. Mais la France peut, pour des traitements d’urgence ou critiques, avoir un accès précoce", expliquait alors Clarisse Lhoste, patronne de MSD France, la filiale du laboratoire américain dans l'hexagone.

Saut que cet accès précoce, la France n'en bénéficiera peut-être pas... Et pour cause : la Haute Autorité de Santé a annoncé, dans un avis rendu public vendredi 10 décembre, ne pas autoriser l'usage en urgence du traitement développé par les laboratoires Merck. La raison ? Une efficacité limitée, inférieure aux traitements déjà sur le marché, et en deçà de ce qui avait été annoncé par le laboratoire américain : "les résultats d'efficacité avancés par le laboratoire sont moins bons que ceux des traitements disponibles : 30% de réduction des risques de progression vers la forme grave de la Covid-19 (...) alors que l'efficacité pour les anticorps monoclonaux casirivimab-imdevimab est d'environ 80% sur ce même critère", explique ainsi la HAS.

Ce même vendredi, le ministère de la Santé a indiqué "prendre acte" de cet avis, précisant que les commandes et l'administration du traitement seraient conditionnées à l'autorisation de la Haute Autorité de Santé. "Les échanges avec l'Agence européenne des médicaments (EMA) continuent et une décision européenne concernant la demande d'autorisation de mise sur le marché est attendue début d'année 2022", explique également le ministère dans un communiqué.

La France attend donc une autorisation totale du régulateur européen. Celle-ci devrait arriver, si validation il y a, dans quelques semaines, comme l'expliquait l'Agence européenne du médicament le 24 novembre dernier. "L'EMA évaluera les bénéfices et les risques de Lagevrio dans un délai réduit et pourrait émettre un avis dans quelques semaines si les données soumises sont suffisamment solides et complètes pour montrer l'efficacité, l'innocuité et la qualité du médicament. Si l'EMA conclut que les avantages de Lagevrio l'emportent sur ses risques dans le traitement du COVID 19, elle recommandera (à la Commission européenne) d'accorder une autorisation de mise sur le marché", a déclaré le régulateur européen dans un communiqué. 

Pour rappel, en mars dernier, le laboratoire Merck et la société pharmaceutique Ridgeback Bio indiquaient dans un communiqué que le médicament, pris par voie orale, permettrait de réduire, voire supprimer, la charge virale du coronavirus que quelques jours. "Sachant qu'il y a un besoin non satisfait de traitements antiviraux contre le SARS-CoV-2, nous sommes encouragés par ces résultats préliminaires", expliquait ainsi Wendy Painter, chercheuse chez Ridgeback Biotherapeutics. Une étude publiée depuis la revue American Society for Microbiology.

Concernant les résultats préliminaires de cette étude, présentés à l'occasion de la Conférence internationale sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI), qui s'est déroulée du 6 au 10 mars derniers, ceux-ci étaient plutôt clairs : sur les 202 patients non hospitalisés faisant partie de cette phase 2 de l'essai clinique, tous ont vu "une diminution plus rapide de la charge virale" au bout de cinq jours, comme l'indique William Fischer, professeur de médecine à l'Université de Caroline du Nord et l'un des directeurs de cette étude. 

Et de poursuivre : "S'ils sont renforcés par des études additionnelles, ils pourraient avoir des conséquences importantes en termes de santé publique, alors que le virus continue de se propager et d'évoluer dans le monde". La phase 3 des essais cliniques est désormais terminée, avec des résultats plus que concluants (avec un taux d'hospitalisation ou de décès de 7,3%, contre 14,1% chez ceux ayant eu un placebo). L'entreprise annonçait le 11 octobre dernier demander une autorisation de mise sur le marché du traitement, qui serait alors le premier pour traiter le Covid-19, à la FDA, la Food & Drug Administration, aux États-Unis.

"Les conséquences extrêmes de cette pandémie exigent que nous agissions avec une urgence sans précédent, et c'est ce que nos équipes ont fait en soumettant cette demande (d'autorisation) du molnupiravir à la FDA", expliquait Robert Davis, le PDG de Merck, dans un communiqué. Et de préciser travailler "activement avec les agences réglementaires du monde entier pour soumettre des demandes d'utilisation d'urgence ou d'autorisation de mise sur le marché dans les mois à venir".

À noter que Merck & Co travaille également sur un traitement contre la Covid, le MK-711, et dont les essais cliniques sont tout autant prometteur puisque les chercheurs ont constaté fin janvier, dans un communiqué, une diminution de 50% du risque de décès ou d'insuffisance respiratoire chez les patients hospitalisés faisant partie de cet essai. On rappelle également que le laboratoire américain a annoncé il y a plusieurs semaines mettre un terme à ses essais cliniques sur l'élaboration de deux vaccins, dont les résultats n'ont pas été concluants.

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