L'Exposition Présences arabes au Musée d'Art Moderne de Paris se dévoile, les photos

On vous emmène à la découverte de l'exposition « Présences arabes. Art moderne et décolonisation, Paris 1908-1988 » qui nous dévoile une collection unique de plus de 200 œuvres, la plupart n'ayant jamais été dévoilées en France auparavant. Rendez-vous du 5 avril au 25 août 2024 au Musée d'Art Moderne de Paris (MAM).

Andy Warhol, Picasso, Klimt, Dali, Rothko... Le XXe siècle a vu passer de très grands artistes, connus et reconnus pour leur travail, exposés régulièrement dans les musées et les institutions artistiques. Il existe cependant de nombreux artistes de grand talent qui ne sont pas appréciés à leur juste valeur en France et en Europe.

Le musée d'Art moderne s'intéresse particulièrement aux créateurs arabes du XXe siècle, peu connus de la scène artistique européenne. Pour réparer ce tort, le musée organise une grande exposition à découvrir du 5 avril au 25 août 2024. Intitulée Présences arabes – Art moderne et décolonisation – Paris 1908-1988, cette exposition met à l'honneur des artistes du XXe siècle, venus de la Syrie, du Maroc, d'Egypte, d'Irak, d'Algérie, de Tunisie...

Au total, ce sont plus de 200 œuvres qui sont exposées, dont la plupart n'ont jamais été montrées en France. Peintures, sculptures, photographies, archives sonores et audiovisuelles forment ce long parcours, qui dévoile les richesses de l'art moderne arabe, mais aussi les liens entre les artistes arabes et Paris, de 1908 au tournant du XXIe siècle. Ce sont près de 130 artistes qui sont mis en lumière dans cette exposition, des artistes peu représentés finalement, dont les œuvres ont pourtant apporté une contribution essentielle aux avant-gardes arabes et à l’histoire de l’art moderne du XXe siècle.

Le XXe siècle est une période fondamentale dans la construction identitaire des pays arabes. L'art accompagne la décolonisation, et aide à la création d'une identité nationale et culturelle propre. Écoles, salons, musées, échanges culturels ont aussi permis à de nombreux artistes de trouver leur voix et de faire reconnaître leur art.

L'exposition s'organise autour des parcours d'artistes formés dans leurs écoles locales des beaux-arts, considérées à la fois comme des établissements de prestige et des vecteurs d'une colonisation culturelle et éducative, avant leur arrivée à Paris. Elle illustre comment, pour beaucoup d'entre eux, leur expérience parisienne a contribué à se libérer du fardeau colonial. On découvre une présentation en quatre parties, selon un ordre chronologique.

En premier lieu, il y a la Nahda, la renaissance culturelle arabe, influencée par les pays occidentaux et colonisateurs. La Nahda, symbolisée par l'œuvre du sculpteur égyptien Mahmoud Mokhtar à Paris, incarne à la fois une aspiration à la liberté et à l'ouverture, ainsi qu'une quête d'identité et de renaissance culturelle arabe face à l'influence occidentale au début du XXe siècle. Cette période marque l'émergence de "l'artiste indigène" dans des pays comme l'Égypte, l'Algérie et le Maroc, influencés par le modèle des Beaux-Arts français, tout en étant souvent confinés à une représentation orientaliste de leur propre culture.

Toutefois, des artistes comme Philippe Mourani, Mohammed Racim et Mahmoud Saïd parviennent à exprimer une vision authentique de l'Orient, transcendant la vision occidentalisée. Cette époque voit également l'ascension d'un mouvement intellectuel et anticolonial, se manifestant par le développement de revues critiques, de la caricature et de galeries privées, défiant ainsi les stéréotypes coloniaux et affirmant une identité culturelle propre.

Puis vient le temps de l'indépendance : l'art abstrait et le retour aux racines poussent les artistes à revendiquer leur héritage, leur liberté artistique. Le passage de 1937 à 1956 marque une période de transition et de rébellion artistique pour les pays arabes récemment indépendants (Liban, Syrie, Égypte, Irak), où les artistes ont rejeté l'orientalisme pour embrasser l'avant-garde.

À travers des figures comme le groupe Art et Liberté en Égypte et l'artiste algérienne Baya, cette époque témoigne d'une quête d'authenticité artistique et d'une résistance au colonialisme, en tissant des liens entre art, surréalisme, et mouvements anticoloniaux. Paris joue un rôle clé comme carrefour cosmopolite, permettant à de jeunes artistes arabes de s'immerger dans les courants de l'abstraction et de l'avant-garde, contribuant ainsi à l'évolution de l'expression artistique arabe dans le contexte postcolonial.

La période de la décolonisation, les violences, les affaires politiques influent ensuite largement sur la scène artistique, et les volontés d'émancipation se retrouvent dans l'art des jeunes générations. Entre 1956 et 1967, dans le sillage des indépendances du Maroc, de la Tunisie et de l'Algérie, l'art moderne dans les pays d'Afrique du Nord devient à la fois un terrain de contestation de la violence coloniale et un vecteur de diplomatie culturelle.

Les tensions de la révolution algérienne incitent des artistes français à exprimer leur solidarité avec le peuple algérien, tandis que des mouvements comme l'école de Casablanca et le groupe Aouchem utilisent l'art pour dénoncer l'oppression coloniale. Malgré l'intégration des artistes arabes dans le paysage culturel français, notamment à travers la Biennale internationale des jeunes artistes de Paris, les contradictions et les dilemmes de l'identité artistique en exil reflètent les complexités des décolonisations et les répercussions des événements politiques, comme la répression du 17 octobre 1961, sur le monde de l'art.

Enfin, on découvre des artistes engagés, qui s'expriment sur l'immigration, les grands conflits internationaux, les bouleversements politiques. De 1967 à 1988, l'art et l'intellectualisme arabes, profondément marqués par la guerre des six jours et la victoire d'Israël, s'inscrivent dans un contexte mondial de luttes pour l'émancipation, avec une forte solidarité pour la cause palestinienne en France, en écho aux mouvements de Mai 68.

Les artistes arabes mobilisent l'art comme moyen de résistance et d'expression politique, notamment à travers le Salon de la jeune peinture à Paris et divers collectifs, témoignant de la vitalité et des défis de la contre-culture arabe face à la censure dans leurs pays d'origine. L'œuvre "L'Apocalypse arabe" d'Etel Adnan devient un cri contre les violences régionales, anticipant les horreurs de massacres comme ceux de Sabra et Chatila. Parallèlement, une prise de conscience postcoloniale s'amorce en France, critiquant les inégalités et violences subies par les communautés immigrées, tandis que des initiatives muséales cherchent à valoriser ces cultures au sein de la société française.

Voilà un parcours riche en œuvres et en Histoire, qui nous permet de découvrir des artistes arabes importants, des créateurs injustement oubliés, et une grande page de l'Histoire récente. Une exposition à voir et à revoir au musée d'Art moderne de Paris !