Rabih est aveugle depuis sa naissance. Souvent fermés, ses yeux bleus font parfois une apparition troublante sous son front sévère, étrangement tournés vers le ciel ; mais s'il n'a pas la vue, il a la chance de posséder un très grand talent musical qui lui permet de chanter, de jouer du tambourin et du violon avec une virtuosité peu commune. Ancien élève d'une chorale dans laquelle il travaille désormais, Rabih n'a pas à se plaindre de son quotidien tranquille, isolé dans un petit village au nord du Liban.
Alors qu'il entame les démarches pour obtenir un passeport et ainsi partir en tournée, il découvre que sa carte d'identité est fausse, que ses parents ne sont pas ses parents biologiques et qu'il a été adopté à l'âge de trois mois. Un long et pénible voyage commence alors, le menant à travers le pays tout entier, du Nord au Sud, d'asile en orphelinat et de déserts en villages, car chaque personne qu'il convoque lui raconte une version différente de son histoire.
Vatche Boulghourjian livre ici un film d'une grande sobriété, qui explore l'Histoire récente du Liban à travers les mille versions qui en existent, telles les strates d'une roche vieille de mille ans (alors que la période fouillée par Rabih ne remonte qu'à une vingtaine d'années). Chacun a sa propre version des faits et semble multiplier les dissimulations, les mensonges et les inexactitudes. Tantôt en plans très rapprochés, très sensuels, tantôt en plans larges qui décrivent les paysages traversés par Rabih, le film oscille entre la plus stricte intimité et le récit politique qui se dessine au fil des chemins.
Il y a pourtant une grande tendresse pour le Liban qui s'exprime dans ce film à deux vitesses, puisqu'également tourné vers la pratique musicale de Rabih. Dans ces moments d'une très grande beauté, ce sont cette fois-ci plusieurs siècles de tradition et de transmission qui s'expriment, cette fois-ci sans besoin de papiers officiels.
Informations pratiques :
Tramontane
En salles le 1er mars 2017