Ses films présentent une vision souvent cauchemardesque du monde et de l'humanité. Pour son nouveau long-métrage Civil War, en salle le 17 avril 2024, Alex Garland anticipe une guerre civile aux Etats-Unis. En pleine année d'élection présidentielle nord-américaine qui pourrait voir réélire Donald Trump et dans un climat de forte tension et de défiance sociale dans le pays de l'Oncle Sam - l'assaut du Capitole n'est pas si lointain -, le réalisateur britannique dévoile un futur peut-être plus proche qu'il n'y parait.
Pour raconter cette Amérique fracturée, Civil War suit le parcours de trois photo-reporters de l'agence Reuters qui témoignent de la situation à travers leurs clichés. En véritable retour à la guerre de Sécession, le Texas et la Californie alliés à la Floride, soit l'armée dissidente de l'Ouest, s'opposent aux autres Etats soutenus par le gouvernement et tenus par l'armée. Depuis New-York, les trois journalistes (Kirsten Dunst, Wagner Moura et Stephen Henderson) tentent de rejoindre à tout prix la ligne de front située à Charlottesville, 1300km à parcourir depuis leur point de départ, puis Washington DC où le Président se terre dans la Maison Blanche.
En ne prenant pas le soin d'expliquer les raisons de cette guerre civile, Alex Garland crée un calque applicable à toutes tensions mondiales actuelles, démontrant qu'un tel conflit peut s'embraser partout, pour tout, et très rapidement. Mais de fait, le réalisateur n'accole, à son récit, aucune question sociétale ou économique, leur préférant un flou comblé par les photo-reporters qui en apprennent davantage au fur et à mesure de leur avancée dans le pays, tout en prenant sous leurs ailes une wannabe photographe de guerre (Cailee Spaeny) traversée par la fougue et l'insouciance de la jeunesse.
Seuls points d'ancrage contextuels, la chute du dollar, les problèmes d'approvisionnement en eau et en électricité, et le traitement de la presse, détestée par le gouvernement, l'armée et une partie de la population. En réalité, le film choisit de ne pas prendre parti au même titre que les photo-reporters ne doivent pas intervenir, seulement témoigner de la vérité, laissant aux spectateurs le lot de décider du soutien ou non aux sécessionnistes.
Un grand spectacle de la déchéance américaine qui mêle les genres, car si le prélude de Civil War et la distribution d'eau à la population sont filmés avec les codes d'un film de zombies, le climax à Washington DC est, quant à lui, d'une incroyable immersion, à la manière d'un jeu vidéo de tir. L'entre-deux navigue entre film d'action prenant et récit plus intimiste (mais pas moins réussi) sur cette famille liée par bien plus qu'une même profession, une même passion.
Dépeignant avec une grande fascination le journalisme de terrain et les risques inconsidérés pris par les reporters pour obtenir le cliché unique et l'histoire qui l'accompagne avant la concurrence, le film relève presque du fantasme dans sa manière de placer les photo-reporters au cœur des affrontements ou d'esthétiser le conflit armé, et n'évite pas, à un certain moment, de tomber dans la contemplation béate d'une forêt en feu qui pourrait sans problème illustrer une pub vantant les qualités photographiques du nouvel iPhone.
Si l'image et la trame scénaristique 'à la Netflix' sont désormais devenues des normes, Civil War dévoile de vraies belles idées en mêlant les médiums pour plus d'immersion (le zoom de l'appareil photo utilisé malignement comme un zoom caméra, les photos prises sur le vif intercalées en noir et blanc, au rythme de l'action) et en distillant une réelle tension qui atteint son paroxysme au cours d'une scène finale à faire transpirer des paumes.
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