Réalisateur d'une dizaine de documentaires en vingt ans, Jawad Rhalib signe un long-métrage de fiction, Amal, un esprit libre, attendu dans les salles le 17 avril 2024. Amal (épatante Lubna Azabal), enseignante dans un lycée à Bruxelles, encourage ses élèves à s’exprimer librement. Avec ses méthodes pédagogiques audacieuses et son enthousiasme, elle va bouleverser leur vie, jusqu’à en choquer certains.
Le film s'ouvre sur un débat autour du roman Le dernier jour d'un condamné de Victor Hugo, tel un mauvais présage, et l'angoisse qui l'accompagne ne nous quittera plus durant tout le film. Rapidement, la religion, et plus particulièrement l'Islam, s'invite dans le débat autour de la peine de mort qui oppose, au sein de cette classe de 5eme, des élèves de milieux et de confessions différents.
Les débats sont houleux et la moindre étincelle semble prête à faire exploser le baril de poudre. Filmé de manière résolument naturaliste (la caméra à l'épaule captant avec aisance la nervosité et la tension dans la classe), le film frôle avec brio le documentaire - rien d'étonnant, au vu du passé de son réalisateur. Les élèves, pour la plupart au début de leur carrière de comédiens, jouent tous avec une grande liberté de ton et beaucoup de naturel, qu'ils soient assis au premier ou au dernier rang de la classe.
Amal aborde les questions plus que jamais actuelles du harcèlement scolaire et en ligne, alors qu'une jeune fille accusée d'être homosexuelle est conspuée par l'ensemble de ses camarades. Mais lorsqu'il est question de laïcité et de liberté pédagogique, impossible de ne pas penser à Samuel Paty dont le fantôme parcourt chacune des scènes et nous cause une boule au ventre qui ne nous quittera plus.
Au cours de réunions pédagogiques mouvementées, l'enseignante doit se défendre de tout racisme (elle est, elle-même, musulmane) face à un parent dont le fils n'était même pas présent en classe lors de la lecture d'une œuvre d'Abū Nuwās, poète musulman et ouvertement homosexuel, qui leur pose problème. Véritable phare dans la nuit obscurantiste, elle ne se démonte pas face aux menaces et refuse de se plier aux volontés de ces parents fanatiques qui détaillent une liste d'œuvres 'perverses' à bannir des programmes.
Dialogues de sourds face à des parents qui pèsent de plus en plus sur l'éducation, manque d'écoute et de soutien de la part de la direction, et surtout un grand sentiment d'injustice face à cette professeur pédagogue et empathique qui propose aux élèves qui pourraient être choqués de "quitter la salle s'ils le souhaitent" afin que cela n'arrive pas ; une musique bien trop familière.
Sensible, le sujet est traité avec beaucoup d'âme par le réalisateur belge qui évite tous les écueils en proposant une pluralité de pensées des belligérants, comme ce père musulman qui soutient sa fille homosexuelle, véritable soupçon d'espoir. Mais il démontre aussi que la radicalisation peut venir de l'intérieur, sans se distinguer par une barbe particulièrement longue, avec le personnage campé par Fabrizio Rongione, un professeur de religion en costume-cravate particulièrement vicieux.
Face à la bêtise, face au salafisme, face à la régression de la pensée libre, Amal est un film fort à montrer dans les classes et dans les académies. Une décision pourrait justement être prise à la rentrée : à compter de septembre prochain, les cours de religion jusqu'alors obligatoires pourraient devenir optionnels dans les écoles belges, au profit de cours de philosophie et de citoyenneté.
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