Présenté en compétition officielle au dernier festival de Cannes, le premier long-métrage d’Agathe Riedinger, Diamant Brut, sort en salle le 20 novembre 2024. Le film suit le parcours de Liane, une jeune femme de 19 ans qui vit à Fréjus avec sa mère et sa petite sœur.
Elle est ce qu’on pourrait appeler une cagole, une bimbo, avec tous les attributs qui vont avec : un maquillage que d’aucuns qualifieraient d’outrancier, d’épais sourcils en circonflexe, des faux ongles, des faux cils et des extensions d’une longueur excessive. Une sorte de Barbie des temps modernes, aux talons vertigineux et aux bijoux bling-bling, qui fait tâche dans le paysage, qui est trop tout - trop provocante, trop visible, trop libre.
Liane est gogo danseuse à ses heures perdues. Elle est surtout influenceuse sur les réseaux sociaux, elle vit pour les caméras et à travers les écrans. Aussi, lorsqu’elle apprend qu’elle pourrait être retenue pour la téléréalité ‘Miracle Island’, son ciel semble enfin s’éclaircir. Alors, heureux les simples d’esprit ?
Sans jamais prendre son sujet de haut, Agathe Riedinger livre ici un vrai film social, mettant le doigt sur la réalité d’une frange de la population, celle de la 'France d’en-bas'. L’œuvre d’Andrea Arnold n’est jamais bien loin, et Liane pourrait tout aussi bien être une chav anglaise, le jogging en moins. Car la jeune fille vit dans un quart-monde intellectuel, aux côtés d’une mère démissionnaire qui l’a envoyée en foyer durant son enfance.
C’est Liane qui se charge de "l’éducation" de sa petite sœur, elle-même ultra-sexualisée pour son jeune âge (une scène, lunaire, la montre apprenant à sa mère comment se cambrer "comme il faut" pour danser), tandis que la grande sœur vit du recel des cosmétiques qu’elle vole dans les grandes surfaces.
Risible, la bimbo n’est pourtant jamais tournée en ridicule. Elle finit même par toucher sincèrement, par son pathétisme et son manque d’amour propre, quoiqu’elle en dise. « Si je n’ai pas le casting, je me tue. Vous allez vraiment m’aimer lorsque je serai dans l’émission » assure-t-elle à ses ‘fans’.
Plutôt que de se moquer d'une partie de cette génération abrutie par la télévision et les réseaux sociaux, Agathe Riedinger porte dessus un regard empli d’empathie, voire même de tendresse, tentant de cerner la réalité derrière ces personnes devenues personnages par leur présence en ligne, à travers une mise en scène sobre et posée (ainsi que l'utilisation de musique classique pour habiller l'œuvre, alors qu’on s’attendrait plutôt à entendre de l’EDM), en contraste avec le spécimen étudié.
Le personnage de Liane, interprété avec force et naturel par Malou Khebizi - il s’agit du premier rôle au cinéma - s’avère bien plus complexe qu’il n’y parait, caché derrière de faux-semblants de superficialité. Un profond mal-être (ses tatouages faits au couteau relèvent purement et simplement de l’auto-mutilation) et une dichotomie entre ce qu’elle dégage et ce qu’elle est au fond (elle est prude, peut-être même encore vierge) qui évitent à Diamant Brut de ressembler à un banal épisode de Confessions Intimes et accorde à l’œuvre un sérieux et une émotion que le synopsis ne laissait pas présager.
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