Pour son premier long-métrage derrière la caméra, l’actrice et désormais réalisatrice Céline Sallette signe un biopic de Niki de Saint Phalle aussi chatoyant que les œuvres de l’artiste. Véritable petit bonbon pop, le long-métrage explore pourtant une facette méconnue de celle qui marqua son époque par ses œuvres colorées. Sobrement intitulé Niki, le film de Céline Sallette est attendu dans les salles le 9 octobre 2024.
De l’œuvre de Niki de Saint Phalle, merveilleusement incarnée ici par la sémillante Charlotte Le Bon, tout le monde connait ses Nanas bigarrées et dodues, mais c’est à peu près là que s’arrête l’imaginaire collectif. La réalisatrice française prend le contrepied du biopic classique d’une artiste en faisant le choix de ne montrer aucune de ses œuvres durant toute la durée du film - ou comment détourner une décision imposée par les ayant-droits de l'artiste en une idée de mise en scène forte.
Si ses réalisations sont présentes uniquement hors-champ ou encore filmées depuis l’arrière du chevalet de la peintre - pas encore plasticienne - c’est pour une raison simple : Céline Sallette a choisi de traiter de la vie de Niki de Saint Phalle avant sa reconnaissance publique, et même avant que celle-ci n’ait trouvé sa voie, préférant l’intime à l'attendu.
Un parti pris risqué qui pourrait bien laisser sur le bord de la route les novices en la matière - d’autant que les personnes qui l’entourent sont, elles-aussi, nommées uniquement par leur prénom, autrement dit cela demande une certaine connaissance de l’art des années 60-70 pour mettre un nom sur chaque artiste dont on ne voit, là encore, aucune œuvre à l’image. Damien Bonnard incarne, par exemple, son second mari, l’artiste suisse Jean Tinguely.
Effervescente, la scène artistique parisienne d'alors est à son apogée au sortir de la guerre, et Niki de Saint Phalle rejoint le groupe des Nouveaux Réalistes. Usant de split-screens qui se répondent, d’une reconstitution historique soignée (les costumes !) et d’un chapitrage presque enfantin (façon Martine se révolte), Niki est l’héroïne de sa propre vie.
Mais ce n’est pas tant cette matière qui captive Céline Sallette. De ses débuts de mannequin au début des années 50 à son premier internement à Nice en 1953 où elle reçoit un traitement à base d’électrochocs contre sa dépression, de ses premières ébauches artistiques dans ce même hospice à son atelier, impasse Ronsin en 1956, jusqu’à ses allers-retours constants en hôpital psychiatrique, la jeune réalisatrice s’attache à ne faire l’impasse sur aucun élément dramatique de la vie de l’artiste.
Ou comment l’inceste subi durant son enfance a bouleversé le cours de son existence et influencé sa manière de peindre. Victime d'abus multiples de la part des hommes - son mari (qui l’interne de force), son père (elle raconte le calvaire qu’il lui a fait subir dans son ouvrage Mon Secret paru tardivement, en 1994), son thérapeute (qui brûle la lettre dans laquelle son père avoue l’inceste), son amant (qui la bat), Niki de Saint Phalle passera ses jeunes années à se battre contre le patriarcat et les carcans de l’époque, en plus de ses propres démons. Une icône résolument féministe.
Céline Sallette signe le biopic d’une femme libre avant son temps, tout en fêlures. Jusqu’à cette scène finale où celle-ci se réapproprie son nom de famille. "Je voulais être Jeanne d’Arc, George Sand, Napoléon en jupon. Je voulais quelque chose de grand dans ma vie." soliloque-t’elle. Elle est Niki de Saint Phalle, et ce n’est pas rien.
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