Michael Keaton est comme son personnage Riggan Thomson : il incarnait Batman sous la direction de Tim Burton, tandis que Riggan était Birdman, un super héros doté d'ailes immenses. La vieillesse venant, il lui a fallu refuser un énième opus de la saga Birdman pour contourner le ridicule : son visage ridé, fatigué par les excès, se penche désormais sur un projet théâtral plus intellectuel. Tout le monde l'attend au tournant. Lui, à vif, attend le succès et l'amour.
Notre avis sur le film :
Pensé comme un long plan séquence, Birdman impose dès les premières secondes un style très particulier : la caméra se meut comme un serpent gluant, suivant les personnages avec avidité dans les couloirs labyrinthique du théâtre de Broadway. À l'affût de chaque froncement de sourcil de Riggan Thomson, témoin de chacune de ses colères dévastatrices, elle est également là où il n'est pas, dans les coulisses où sa fille fait l'amour avec son concurrent le plus féroce, ou dans la rue, regardant les heures qui passent, précieuses minutes avant la date fatidique de la première.
L'audace du plan séquence de deux heures (certes truqué) fait de Birdman un film hypnotisant ; certains passages sont inoubliables, qu'ils soient esthétiques (lorsque Riggan est entouré de mille loupiotes colorées) ou comiques (quand il traverse la rue en slip parce qu'il s'est enfermé dehors, assailli par ses fans et leurs appareils photo). Au corps à corps avec cet acteur en quête d'amour et de reconnaissance, le spectateur subit avec lui les plus fortes humiliations : on observe comment, dans un élan sublime de lutte, Riggan va au bout de son projet, malgré sa peine immense et lourde, avant de faire exploser tous ses malheurs dans un final stupéfiant.
Birdman agrémente la quête d'amour de Riggan de petits détails fantastiques, dotant le super-anti-héros de pouvoirs magiques et destructeurs ; une angoisse noire plane sur l'ex-Birdman, telles ses grandes ailes sombres. Transcendant la menace du désamour, le ridicule complet de certaines scènes plonge Riggan et ses congénères dans la trivialité et la honte, provoquant le fou rire du spectateur. Riggan incarne tout et son contraire : célèbre, beau, enfin, anciennement beau, riche, adulé, mais pas par les journalistes, aimé, mais pas par sa fille... Le clinquant s'écaille au contact d'une réalité impitoyable, que filme avec truculence Alejandro González Iñárritu.
Magistral et jouissif.
Bande-annonce :
Informations pratiques :
Birdman
Réalisé par Alejandro González Iñárritu
Avec Michael Keaton, Zach Galifianakis, Edward Norton, Andrea Riseborough, Amy Ryan, Emma Stone, Naomi Watts
Au cinéma le 28 février 2015