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La Rédac · Publié le 10 juin 2008 à 9h52
Françoise Sagan est décédée le 24 septembre 2004, dans le plus grand anonymat. Auteur adulé (presque) toute sa vie, menant une vie faite d'inscouciance et de liberté, Françoise Sagan était LE personnage révé pour un biopic. Diane Kurys a décidé d'en faire un film, et c'est Sylvie Testud qui incarne l'icone de la "Nouvelle Vague", et égérie des "zazous". Le résultat est-il à la hauteur du personnage ?
SYNOPSIS : "Sur ce sentiment inconnu, dont l'ennui, la douceur m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse." Françoise a tout juste 18 ans quand elle écrit les premières lignes de Bonjour Tristesse, un roman dont le succès fulgurant suffira à lancer le mythe de " La Sagan ". Un mythe fait de formules brillantes, d'amours affranchies et de scandales tapageurs, derrière lesquels se cache une femme, que l'on qualifie d'anticonformiste pour ne pas la dire libre. Libre d'écrire, d'aimer, et de se détruire...
DATE DE SORTIE : 11 Juin 2008
REALISATEUR : Diane Kurys
ACTEURS PRINCIPAUX : Sylvie Testud, Pierre Palmade, Lionel Abelanski
DUREE : 1h 57min.
La Critique SAP : Françoise Sagan utilisait très souvent les expressions : "la barbe", "c'est rasoir". Paradoxalement ces termes la suivront même dans son film éponyme.
On aurait pu commencer la critique par "Bonjour Tristesse", or on évitera volontairement la comparaison, car les acteurs ne le méritent pas, au contraire du scénario...
C'est évidemment là où le bât blesse.
La première heure de Sagan inquiète par son manque de rythme, et déçoit par sa monotonie. On se pose alors forcément des questions sur la l'utilité d'intégrer des passages d'une rare apathie.
Habitée par son rôle, en plein accord visuel avec Sagan, Sylvie Testud possède tous les tics et les ressemblances physiques de ce personnage. Mais, il faut un petit peu de temps pour que l'œil s'habitue à percevoir, non plus l'actrice, mais la "vraie" Françoise Sagan, ce véritable "petit monstre" bourgeois.
On notera d'ailleurs, pour la ressemblance, un passage étonnant du film, où l'on voit la "Sagan Testud" se faire interviewée par Bernard Rapp. Ce qui clos le débat sur la ressemblance avec l'auteur.
Sylvie Testud incarne parfaitement Françoise Sagan.
Après une demi-heure pénible, on prend alors la mesure de la performance de Sylvie Testud lors des passages un peu plus vivant de la vie de l'auteur.
Mais on en revient donc au scénario... Cette impression pesante, que les scènes s’enchaînent par obligation, sans tenir compte de leur réel intêret, est très présente. Or, l'intêret du biopic n'est-il pas de renseigner le spectateur sur la personnalité trouble, cachée du personnage central ?
La Sagan, vu comme telle, ne peut être interessant pour le spectateur, surtout tout au long des deux heures du film. On aurait aimé voir moins de passages centrés sur la vie publique de Sagan, mais plus sur les moments mouvementés, tumultueux de sa vie de femme "ultra-libérée".
Les sujets sur la sexualité de Sagan sont traités trop superficiellement, et surtout sans originalité évidente, afin que le spectateur s'emballe sur l'époque débridée de Françoise Sagan. Cette créativité manque cruellement au scénario. Celle qui a toujours revendiqué cette liberté de penser et de vivre selon ses propres règles, se retrouve confiné dans un rôle d'eternelle dépressive, ayant trop peur de la solitude pour vivre. C'est effectivement vrai, mais beaucoup trop centralisé par Diane Kurys.
Il manquait le principal, à savoir ce côté "femme libre".
Son indifférence au monde qui l'entoure, la vie facile et son oisiveté ont marqué l'intégralité de sa vie, et de ses livres... Et en construisant sa vie à travers ces caractéristiques, l'auteur s'est fabriquée une image de femme anticonformiste. Une figure emblématque de la "Nouvelle Vague", et égérie des "Zazous".
Elle a été entourée tout au long de sa vie d'hommes et de femmes aux "nombreuses" vies sexuelles. Françoise Sagan a aussi connu les premières auberges espagnoles, où amis, amants, maîtresses se disaient bonjour tous les matins.
Françoise Sagan se poudrait le nez, comme pour dissimuler les peurs, les angoisses, jusqu'à l'overdose. Ses problèmes de drogue ont d'ailleurs été traité d'une manière assez "parentale" par la réalisatrice, sans que l'on sache vraiment pourquoi Françoise Sagan en consommait.
On percevait sans mal le message classique : "La drogue c'est pas bien !". Oui effectivement mais pourquoi...
Elle était aussi alcoolique, criblée de dettes et maitrisait parfaitement l'art de la magouille, comme sa participation (présumée) dans l'affaire Elf. Sujet volontairement mis de côté par Diane Kurys.
Françoise Sagan n'était pas Bernadette Soubirou. C'est malheureusement avec ce regard innocent que Diane Kurys a "candidement" tracé les contours de la vie de Sagan.
On reste en surface, peur de trop s'immiscer dans les parties troubles de cette vie libérée. Le film n'ose pas aller en profondeur, alors que des sujets le méritent, comme l'homosexualité (assumée) de Françoise Sagan.
On a le droit, en revanche, à un des aspects particulièrement bien traité par la réalisatrice, celle de la mère indigne. Ce passage méritait réflexion, et Diane Kurys a su capter l'indifférence de Sagan pour son fils, elle qui aimait dire qu'elle était, et resterait, un éternel enfant.
Mais à force de survoler, ou de simplement évoquer d'autres faits marquants de sa vie, l'on se perd avec elle dans l'ennui et la solitude, qui lui ont été finalement fatal.
Le véritable paradoxe du film est, qu'au contraire de la vie assumée de Françoise Sagan, le film lui se veut timide, comme s'il n'osait pas montrer ce que les gens attendaient de voir : La vraie vie de Sagan.
Cette crainte, cette réserve, Sagan ne l'aurait sans doute jamais accepté.