Dès les premières secondes du film, le spectateur est pris à la gorge. Le réalisateur László Nemes filme Saul (Géza Röhrig) avec un point de vue très resserré, concentré sur son visage et son air pressé, affairé. Affairé à quoi ? se demande-t-on pendant quelques secondes, avant de découvrir l'inimaginable : Saul, juif, prisonnier, gris comme la mort, est en train d'entraîner des dizaines d'autres prisonniers vers la salle où ils seront gazés. L'irreprésentable est ici suggéré derrière une porte, celle que Saul vient de refermer sur des cris et des larmes.
Puis, seconde mission, évacuer rapidement les cadavres et nettoyer les sols pour laisser la place à d'autres groupes de juifs, et ce infiniment, jusqu'à devenir fou. Mais quand Saul aperçoit son fils parmi les morts, une seconde de stupéfaction l'arrête, puis il s'agite pour réussir à enterrer son fils dignement, tout en tâchant de ne rien laisser paraître devant les soldats nazis qui hurlent comme des chiens. L'empressement de ce père qui veut enterrer son fils est l'image même de l'angoisse, de l'amour par-delà la guerre, de l'espoir.
Le Fils de Saul est bien plus qu'un film, c'est une expérience de spectateur, une vision de l'Histoire qui vous marque au fer rouge. Immédiatement oppressant, le film n'est pourtant jamais voyeuriste : il cache les corps mais laisse éclater les cris, dévoile la cruauté mais ne montre pas ses crimes. C'est un choc, un moment de deuil, raconté de façon immersive, extrêmement physique. On est avec Saul, au plus près de lui, de ses efforts tendus vers la mort. Stupéfiant.
Bande-annonce :
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Le Fils de Saul
En salles le 4 novembre 2015