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La Rédac · Publié le 5 août 2008 à 8h21
Jeudi 24 juillet, à 1h de son spectacle, Dieudonné nous confiait ses impressions sur son actualité et les polémiques qui l'entourent.
SAP : Quels sont les thèmes que vous abordez durant votre spectacle?
Dieudonné : J'ai choisi comme titre "J'ai fait l'con", c’est aussi le thème que je développe et que j'illustre à travers différentes situations auxquelles j'ai été confronté. Cela va de ma rencontre avec les Pygmées en Afrique Centrale, en passant par quelques polémiques qui ont entouré ma carrière d'humoriste. Mais je traite aussi de la politique américaine, et plus particulièrement du personnage de Colin Powell et de ses déclarations sur les armes de destructions massives en Irak, s'il y en a bien un qui a fait le con, c'est bien lui ! Puis je parlerai de la situation particulière des chefs d'Etat africains, des psychopathes et de leur entourage, éléments révélateurs du malaise de l'Homme et de l'humanité. Je conclus le spectacle sur un hommage à Claude Nougaro sur fond de tragédie gréco-palestinienne.
Pour résumer, les thèmes principaux que j'aborde, sont la démocratie, l'humanité, la vérité, le mensonge… les grands thèmes humoristiques de notre époque.
Quels sont les obstacles rencontrés lors de votre campagne promotionnelle?
Derrière le spectacle, il y a toute une entreprise, une organisation administrative importante, et là-dedans il y a la promotion qui a pour objet de faire savoir que le spectacle existe. Pour cela, il existe plusieurs moyens. Vous avez les chaînes de l'espace publique qui jusqu'à présent ouvraient leur tribune pour que chacun puisse s’exprimer, et puis vous avez de les chaînes privées, avec un conseil d'administration, des choix, des votes, des lignes éditoriales à respecter.
Moi je n'ai jamais travaillé pour ces entreprises, mais je bénéficiais jusqu'à il y a quelques années, d'une belle surface sur les chaînes publiques. Et puis la politique du service publique a changé, aujourd'hui au niveau de l'humour, la communication est restreinte et limitée à quelques uns seulement, ceux qui rentrent dans le moule. Mais je ne peux pas leur en vouloir, et il faut assumer en tant qu'humoriste d'être censuré. Coluche a été censuré, Desproges aussi, Prévost s'est fait viré de la télévision pour ses « outranceries ». Ce sont tous des frères en humanité et en humour, et puis je me retrouve aujourd'hui dans cette lignée-là.
De ce fait ma promotion se limite à quelques coups d'éclat ici et là. Des coups d'éclat médiatisés au-delà de ma propre volonté puisque je ne les maîtrise pas. Je considérerais cela plutôt comme un bâton que j'offre, sans trop dire que c'est de ma part, afin de me laisser frapper jusqu'à l'excès. Tout ce qui est excessif étant dérisoire, on arrive à une certaine forme d'humour. Ce qui fait que la dernière vidéo postée sur youtube a été vue plus de 200.000 fois en moins d'une semaine. Voilà le type de communication qui a été mis en place pour ce spectacle.
Avez-vous l'impression que l'expression de votre créativité se retrouve bloquée par ce boycott?
A l'époque dans laquelle nous vivons, internet et la scène suffisent. Aujourd'hui internet prend une place de plus en plus importante, il n'y a qu'à voir le nombre de billets réservés via la billetterie en ligne. On n'a même pas besoin de s'en occuper pour que ça fonctionne, ça se fait tout seul.
Par rapport à cette promotion, revenons sur cette histoire avec Jean Marie Le Pen, vous savez qu'il a déclaré dans les médias qu'il était bel et bien le parrain de votre enfant. Cependant vous certifiez que cela ne vient pas de vous, comment réagissez-vous?
Il y a une rumeur entretenue par les médias qui est assez hallucinante selon moi. Je ne pensais pas que cela prendrait cette importance. Alors est-ce que ce baptême a eu lieu ou bien est-ce qu'il n'a pas eu lieu? J'ai décidé de livrer ma version des faits sur scène, c'est le seul espace où j'ai une liberté totale. Je maîtrise, je contrôle, et je me sens plus à l'aise dans l'exercice de l'humour et dans la transmission de mes pensées par le rire qu’en étant sérieux devant un micro. Donc je réserve mon point de vue aux gens qui viennent voir ce spectacle, et je leur dis ce qu'il en est de cette rumeur.
Quant à Jean Marie Le Pen, il a eu le discours, la posture d'un homme politique. Moi je suis un humoriste et je le remercie d'avoir provoqué cette rumeur et de l'avoir entretenue. Je ne peux que vous dire d'attendre de me voir sur scène pour traduire le plus objectivement possible ma version des faits. Une fois sur scène, je serai en pleine possession de mes moyens et pourrai parfaitement transmettre ce que je pense.
Vous répondez à vos détracteurs et aux sujets d'actualité qui vous choquent en écrivant des sketchs. Est-ce qu'on peut s'attendre à vous voir réagir de cette façon durant votre spectacle?
Oui! Je ne réponds plus de manière sérieuse dans la presse, car c'est sur scène que je suis le plus en phase avec moi-même, je peux me livrer et dire ce que je pense. Le bureau, le micro, c'est plus politique, ce n’est pas moi.
Pour revenir sur les médias, je pense qu'ils sont forts, et c'est un métier que je respecte. Je pense qu'avec cette dernière histoire, ils se sont ridiculisés, ils sont venus sur le terrain de l'humour et de la dérision. Ils ont compris trop tard qu'ils étaient dans le faux et qu'il fallait avant tout assister au spectacle pour comprendre ma démarche. C'est là que je suis le plus efficace, quand je peux livrer l'information selon mon ressenti de façon indépendante et totalement libre. Je n'ai personne au-dessus de moi, pas de producteur ni de partenaire. J'ai toujours pris la précaution d'enlever le maximum d'intermédiaires entre le public et moi-même. La liberté que j'ai sur scène est pour moi totale.
Est-ce que vous en voulez à ces personnes qui vous ont fait confiance et qui finalement vous ont laissé tomber, je pense à Ardisson par exemple?
Thierry Ardisson est un homme qui a du talent, plus que les gens qui ont copié ce qu'il faisait. C'est un bon exemple parce que c'est quelqu'un avec qui je peux dire ce que je pense, il a une certaine valeur intellectuelle que les autres ne suscitent absolument pas. Je n'ai rien à voir avec des approches du style d'Arthur par exemple, une approche totalement marketing que je trouve extrêmement vulgaire, tout comme lui doit me trouver vulgaire, et c'est très bien comme ça. Mais Ardisson, je le trouve simplement lâche. C'est un homme qui a beaucoup apporté à la télévision à un moment donné, mais comme un sportif de haut niveau en fin de carrière, il y a les combats de trop où il devient ridicule. C'est comme ces vieux boxeurs qui finissent dans la drogue et entouré de prostitués. C'est comme ça que je le vois.
Taddéï, lui, essaye à son tour de faire avancer la télévision d'une autre manière. Mais pour les gens de la télévision comme Ruquier par exemple, il est très difficile de perdurer, de se renouveler et de rester pertinent, surtout quand on doit tenir une quotidienne. Ils finissent par se regarder eux-mêmes dans un miroir, et il ne se passe plus rien dans leurs émissions. Ce sont des gens qui en font trop et qui ne sont plus drôles. Mais ils font partie des gens que je respecte, il y en a d'autres chez qui vous ne me verrez jamais.
Que répondez-vous à vos fans qui se retrouvent désorientés par rapport à ce qui a été dit dans les médias et surtout qui ne comprennent pas votre démarche?
Si certains fans se retrouvent embêtés, c'est peut-être qu'il faut qu'ils arrêtent de faire l'éponge devant la télévision, à croire tout ce qu'on leur dit. Il faut se déplacer pour comprendre et pour avoir une vision objective de la situation. Tout ce qui se passe autour de cette information ressemble à de la propagande indirecte. Ils ne peuvent pas se contenter de ce qui se dit en extérieur, il faut qu'ils viennent chercher ma vérité ici. C'est le seul endroit, le seul espace où je peux favoriser un lien direct entre le public et moi. Venir voir le spectacle, c'est tout ce que je peux leur dire!
En terme d'impact médiatique, j'ai déjà un public et je n'ai pas à me construire une image, elle existe et je veux communiquer pour que ceux qui apprécient mon univers puissent être au courant que ce spectacle existe. Je mets en place une communication en corrélation avec ce spectacle. Les gens qui n'ont pas envie de venir s'arrêteront à l'information qu'on leur renvoie.
L'information à besoin de gentils et de méchants. Nous avons deux grands humoristes français de nos jours, Sarkozy et moi-même l'un a l'extrême droite, le roi, et l'autre à l'extrême gauche, le bouffon.
Avez-vous de nouveaux projets pour la rentrée?
Je vais jouer tout l'été ici même au théâtre de la Main d'Or, et puis j'ai un Zénith prévu le 26 décembre. Ce sera certainement l'occasion pour moi de lancer un nouveau débat qui va provoquer et peut-être choquer certains. Mais ce ne sera qu'un débat, après chacun pense ce qu'il veut, je n'incarne ni le bien ni le mal, je prends juste du plaisir à enfiler ce rôle d'agitateur et de bouffon. Mais je pense que je ne suis pas le seul et Sarkozy est certainement le premier bouffon de ce pays, mais il ne le sait pas.
Concernant Elie Semoun, il est question que quelque chose se passe, mais on verra.
(Propos recueillis le jeudi 24 Juillet 2008, au théâtre de la Main d'Or)