Le soir suivant, elle prit la robe ornée de lunes d’argent…
Grimm
Le nouveau directeur de l'Odéon l'avait annoncé : au cours de son mandat, chaque saison accueillerait un projet plus particulièrement accessible au jeune public. En 2007-2008, ce fut la création du magnifique Pinocchio de Joël Pommerat ; cette fois-ci, c'est au tour d'Olivier Py de proposer aux enfants et à toute leur famille, pendant la saison des fêtes, trois excursions théâtrales au pays des légendes. À ses yeux, les contes des frères Grimm n'ont été que trop longtemps «considérés comme une vitrine idyllique pour petites filles en quête de prince». La plupart de ces contes n'ont rien de puéril, au contraire : recueillis et rédigés par des contemporains de la grande génération du romantisme allemand, leur merveilleux est d'autant plus frappant qu'il se détache sur un fond de gravité. L'œuvre des frères Grimm offre «un moyen de parler aux enfants de ce dont on ne leur parle pas». Py apprécie depuis toujours leur fausse naïveté et leur vivacité sans phrases, qu'il n'hésite pas à rapprocher de celles de certaines intrigues de Shakespeare. C'est ainsi que La Jeune fille, le diable et le moulin (où un père, pour sortir de la misère, conclut imprudemment un pacte avec un inconnu qui s'avère être le démon et se voit contraint de lui livrer sa propre fille) peut être lu selon lui comme une sorte de version folklorique de Lear, tandis que L'Eau de la vie (où trois fils, sur ordre de leur père malade, partent en quête du seul remède qui pourra le soulager) a réveillé en Olivier Py de lointains échos de Titus Andronicus : c'est que la cruauté du monde n'est jamais bien loin, en ces contrées peuplées de pauvres orphelins ou de familles souffrant de la famine, où l'innocence est si souvent bafouée et l'enfance exploitée, persécutée, voire torturée. Mais Py n'a garde d'oublier que devant un public d'enfants, «il est impensable d'imaginer autre chose que de communiquer une parole d'espoir». Ces contes sont durs, sans doute, et le spectacle est à leur image ; mais cette dureté ne fait que prendre au sérieux ses jeunes spectateurs. Et ce public-là tire donc une triple joie de ces Contes. D'abord celle qu'il doit à la pure fantaisie du récit : Py, à grand renfort de costumes de cirque et de petites chansons, s'en est donné ici à cœur joie. Ensuite, celle du happy end qui conclut chaque aventure sur une touche d'espérance. Enfin, le plaisir que lui vaut la fierté d'être traité «comme un grand». Deux de ces contes ont d'ores et déjà été adaptés par le metteur en scène. À l'occasion de leur présentation aux Ateliers Berthier, il a décidé de leur adjoindre, en guise de cadeau de Noël à tous les publics, l'adaptation d'une troisième histoire, La Vraie Fiancée, surprenant carrefour où Cendrillon croise Peau d'Âne : «Il était une fois une fille jeune et belle, mais sa mère était morte quand elle était enfant, et sa marâtre faisait tout pour la chagriner...»
Informations : théâtre de l'odéon