Jusqu’au 28 mai 2011, le Cabaret Sauvage se transforme en Cabaret Oriental. Barbès Café, c’est la nouvelle production de Méziane Azaïche, un chant d’exilés, qui trouvent refuges à Paris, mais qui n’oublient jamais leur pays, leurs origines.
Ce n’est pas sans joie que je me rends au Cabaret Sauvage, jeudi 19 mai 2011. « Barbès Café » n’est, pour le moment, qu’une affiche attrayante pour moi. On me dit Guerre d’Algérie, on me dit Couscous Gratuit. J’avoue avoir du mal à imaginer les deux ensemble, et au même moment. Qu’importe. A 19h, je suis donc devant le chapiteau qui n’a pas encore ouvert ses portes.
Quand enfin, ça rentre, je me rends compte de ma naïveté. Non non, le public n’est pas invité à manger un couscous assis sur des sièges, en regardant un spectacle, mais c’est bien une véritable cantine qui attend le spectateur jusqu’au 28 mai de 19h à 20h15. Un conseil : inutile d’arriver à 19h pile, l’attente vous paraitra longue avant le début du spectacle. Gamelles de semoules (sponso Zakia), cuisses de poulet, gâteaux orientaux et tranches de pastèques, tout ça met en bouche un public hétéroclite, ravi de ce qu’il a dans on assiette. Des jeunes et des moins jeunes, en couple, entre amis. Sous le soleil couchant, on fume une dernière cigarette avant de s’engouffrer sous le chapiteau. Dans le hall, il y a de quoi vous divertir : vendeur de bijoux, de livres, de magazines et d’affiches en tout genre. En avant goût d’Orient, où l’encens nous ferait presque tourner la tête.
Quand les portes battantes s’ouvrent, on s’engouffre afin de dénicher la meilleure place. Tables, fauteuils ou simples chaises… A qui sera le plus rapide. Une fois installé, la public se dirige vers le bar, afin de s’acheter un thé à la menthe, pour digérer le couscous, en somme. A 21h, les lumières s’éteignent. On aperçoit un bar qui est installé, et où se glisse une femme vêtue d’orange. C’est la fameuse Lucette, venue pour raconter son histoire d’amour avec Mouloud, à son ami Sala, installé au bar de son café, le Barbès Café.
De 1960 à 2011, le spectacle retracera l’histoire de l’immigration algérienne en musique, en nous faisant partager ses plus grands chants. Avec brio, l’orchestre mené par la fantastique Samira Brahmia enflammera (et ce n’est pas peu dire !) le public. De Slimane Azem à Cheikh El Hasnaoui en passant par Rachid Taha et même 113, on est ici pour chanter et danser les courageux exilés, orphelins de leur patrie, qui grandissent loin de leur soleil natal. Alger la Blanche est sur tous les cœurs. Dans le public, ainsi, dès les premières notes de musique on se lève, et on va danser. L’ambiance est au Cabaret des années 70, quand les cafés permettaient aux Algériens d’oublier les misères de la Guerre d’Algérie, des conditions de travail des immigrés, des fuites massives vers la France, d’un pays qui se vide laissant femmes et enfants seuls.
Mais le climat n’est pas à la triste nostalgie. Au contraire. Le public danse l’indépendance du 5 juillet 1962 avec beaucoup de ferveur et d'enthousiame. Attendrissant, touchant, Barbès Café est un concentré de bonne humeur, qui dans un autre genre, ressemblerait presque à la Fête de l’Huma : bonne bouffe, chants, danses, et politique. Sur les écrans géants, on diffuse des images d’archives ou des textes explicatifs qui permettent à quiconque de comprendre en détails l’histoire des 50 dernières années de l’Algérie comme les évènements qui ont surgis en début d’année dans tous les pays Arabes. L’élection de Mitterand en 1981 ou les énormités de nos dirigeants (« Si vous ajoutez à ça, le bruit, et le l’odeur ! » Merci Jacquot, en 1991), l’histoire s’offre à nous, sans en rater une miette.
Dans Barbès Café, on a aimé les voix aux saveurs orientales, le public endiablé, la danseuse Sarah Guem qui est absolument époustouflante et qui réussit avec beaucoup d’agilité à associer tradition et modernité et le travail de mémoire fait sur une oppression encore trop enfouie.
Et quand on sort, on a qu’une envie, c’est de crier « Vive la liberté » !