Le Théâtre des Champs-Elysées à Paris achève sa saison lyrique avec un "Falstaff" de Verdi un peu maigre sur le plan scénique mais vocalement très généreux, à l'affiche depuis jeudi soir et pour quatre autres représentations jusqu'au 29 juin.
Cette nouvelle production est dirigée par le jeune chef Alain Altinoglu: pour ses débuts dans la fosse du TCE, il s'affirme comme l'une des baguettes lyriques françaises les plus séduisantes, à la tête d'un Orchestre de Paris qui ne passe pas à côté des richesses instrumentales de la partition.
Le spectacle est réglé par Mario Martone, qui signe sa première production en France. Le réalisateur et metteur en scène italien procède à une actualisation recevable du livret de Boito -- d'après "Les joyeuses commères de Windsor" de Shakespeare -- en situant la comédie lyrique en trois actes (1893) de Verdi non pas au début du XVe siècle mais à l'époque du compositeur.
L'action se déroule dans un décor très "théâtral", fait de galeries et d'escaliers, qui fait souffler un petit air de déjà vu, donne des teintes bien sombres à la farce et peine à s'animer, faute d'idées fortes. Le dernier acte, le plus crépusculaire, affiche plus de réussite visuelle, autour notamment d'un chêne sorti d'une toile de Mondrian.
La production se singularise davantage par sa distribution. Le baryton-basse italien Alessandro Corbelli ne donne pas dans le Falstaff gargantuesque, préférant camper un personnage plutôt subtil: les vaines intentions séductrices de cet arroseur arrosé trouvent en lui une belle présence scénique, qui compense une voix pas toujours pleinement épanouie.
La soprano italienne Anna Caterina Antonacci (Alice Ford) est peut-être plus à son aise dans les rôles de tragédienne que dans cet emploi comique, mais sa vocalité est comme toujours très théâtrale, et son jeu pour tout dire assez irrésistible, notamment quand elle bondit comme le cerf à l'acte III.
Les autres "commères" affichent également un beau tempérament, à commencer par la contralto québécoise Marie-Nicole Lemieux (Mrs Quickly), qui exhibe un bras en écharpe sans rien avoir perdu de ses beaux moyens vocaux. Et à l'image de la soprano franco-algérienne Amel Brahim-Djelloul (Nannetta), révélation dont le succès se confirme grâce à une ligne de chant exquise en dépit d'un format limité, ce qui s'entend quand elle chante en compagnie de l'amant un peu trop rayonnant du ténor italien Francesco Meli (Fenton).
Mais le plaisir pur du chant, c'est le baryton Ludovic Tézier (Ford) qui le procure avec le plus d'évidence, grâce à une voix parfaitement libre et projetée, avec de surcroît un comportement sur scène moins statique qu'à l'accoutumée.
Ce chanteur de haute école française domine un ensemble qui montre sa virtuosité dans la fugue finale, où la mise en scène de Mario Martone, avec ses personnages regardant fixement les spectateurs ("tous dupés !"), prend enfin tout son sens.
Opéra tous les soirs à 19h30, attention le dimanche à 17h.
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Visuel : © Avaro Yanez