A l'occasion de la sortie de son nouvel album, L'Embellie, rencontre avec Calogero, l'un des chanteurs français les plus populaires.
Nouvel album, à la recherche de nouvelles sensations, de nouvelles expériences ?
Calogero : Oui, comme toujours j'aime bien bifurquer tout en restant moi-même, aller chercher de nouveaux horizons, au niveau des musiques et des textes. L'équilibre difficile est qu'il faut que ça te ressemble, ne pas être seulement dans une posture.
Tu es allé chercher des auteurs dans des univers très différents ?
Calogero : Oui, ils n'ont a priori pas le même univers que moi. Ce qui est intéressant, c'est la découverte de l'autre, de gens que tu ne connais pas et qui ont forcément un avis sur ta musique, avoir leur point de vue, savoir s'ils vont être inspirés ou pas par ma musique. C'est ça qui est intéressant. C'est assez intime de confier mes musiques à des auteurs. Je passe beaucoup de temps sur les mélodies, pour faire en sorte qu'elles soient émouvantes en y incluant mes références. Je me mets à leur place, y mettre des mots n'est pas facile pour l'autre. C'est pour ça que j'ai voulu aller chercher des auteurs avec qui je n'avais jamais travaillé pour avoir un regard neuf et chanter de nouveaux mots.
De qui s'agit-il ?
Calogero : Dominique A a écrit trois chansons, Dick Annegarn en a fait deux, Marc Lavoine une, Kent a fait le titre de l'album « L'embellie ». Grand Corps Malade a signé un texte avec Alana Fillipi. Jean Jacques Goldman a écrit le single « C'est dit ».
Et un auteur Italien !
Calogero : Piero Pelu, l'ancien chanteur de Litfiba.
On va dire que tous ces auteurs ont raconté une histoire qui t'a convenu mais tu leur as quand même indiqué ce que tu voulais dire. Il y avait déjà des intentions de ta part dans cet album.
Calogero : C'est peut_être l'album le plus viscéral. J'étais chargé d'émotions et je savais où je voulais en venir, ce qui n'est pas toujours le cas. Parfois je fais des mélodies, je me dis on verra bien, on parlera peut être de ça, ou de ça... Si ce n'est de suggérer des thèmes, j'ai essayé d'avoir des entretiens avec les gens, de parler avec eux. Les seuls textes que j'ai mis en musique sont les textes de Dominique A, avec qui j'ai dû parler une heure. Je lui ai raconté ce que je vivais sur le moment, pour qu'il puisse sentir un peu à qui il a affaire. Un mois après j'ai reçu 4-5 textes magnifiques et je les ai mis en musique.
Revenons un peu en détail sur ces auteurs et ce qu'ils ont pu t'apporter. Ils ont une couleur. Tu savais à qui t'adresser, tu connaissais leurs états d'esprit. Prenons Dominique A, qu'est-ce-que tu es allé chercher chez lui ?
Calogero : Chez Dominique A, je suis allé chercher sa poésie. C'est un artiste qui me touche énormément et qui a une manière de dire les choses avec beaucoup de pudeur et de clarté à la fois, c'est ce que je suis allé chercher dans ses textes. Ce qui me plait est de faire des chansons qui restent lisibles, compréhensibles, mais avec quelque chose de sophistiqué. C'est ça qui me plait, que ce soit à la fois populaire et sophistiqué. Cet album reflète bien la manière dont je conçois la musique, plein de gens d'horizons différents qui se retrouvent sur le même album. C'est comme ça que je conçois la musique. Il y a aussi bien Kent, Dominique A, Jean-Jacques Goldman que Marc Lavoine, qui sont des chanteurs très différents. Finalement, que l'on soit derrière un piano ou le stylo à la main, cela reste des bons auteurs, c'est ça qui m'intéresse chez eux.
Et il faut raconter une histoire dans toutes ces histoires, qui en découle au fur et à mesure des chansons non ?
Calogero : Oui, c'est bien s'il y a un fil conducteur. Là le fil conducteur était « L'embellie ». J'avais envie de chanter un album lumineux, flamboyant et confortable à écouter. Quand Kent m'a amené le texte « L'embellie », je savais que lui avait envie d'écrire des chansons positives. En écrivant des chansons tristes, on peut vite tomber dans la facilité. Faire des chansons un peu réveillées et optimistes, c'est déjà plus difficile. C'est un bel exercice. Quand il m'a donné ce texte « L'embellie », j'ai tout de suite pensé à appeler l'album « L'embellie ».
Il y a des petits grains de folie, des chansons écrites par Pierre Lapointe, Dick Annegarn. Pour le coup, tu as fait appel à des auteurs très particuliers !
Calogero : Il y a toujours une forme de poésie chez Dick Annegarn. C'est quelqu'un qui arrive à mettre de la poésie dans les chansons, c'est assez rare. Je l'ai écouté pendant très longtemps. Il y a eu un tribute à Dick Annegarn, avec plusieurs artistes qui chantaient ses chansons. J'avais repris Attila Joszef, qui est une chanson sur un de ses albums qui s'appelle « Approche-toi ». Je crois que la reprise lui a plu et ça nous a rapprochés. Je lui ai demandé s'il voulait bien m'écrire des textes. Il a accepté. Il a une forme de folie et un côté un peu décalé, qui me va bien. Au départ, je suis allé le chercher pour une chanson qui s'appelait Peter Pan. Je voulais parler du syndrome Peter Pan, qui est charmant et pathétique, puisqu'il grandit jamais et laisse tous ses amis derrière lui. Quand je lui ai parlé du thème, il m'a dit « mais qu'est-ce que tu faisais quant tu étais petit ? ». Je lui ai dit que je faisais des conneries. Il m'a dit « Tu volais ? ». « Oui, ça m'est arrivé de voler ». « On va parler d'un voleur alors ». J'aime bien ce jeu de ping pong. Pareil pour la chanson qu'il a faite pour mes filles. J'avais envie d'un souvenir joyeux pour quand elles seront grandes, qu'elles aient un beau souvenir dans l'album de papa. Il m'a dit « Tu sais, je ne sais pas si je vais réussir à écrire pour des enfants... ». Je voulais que ça soit lui, avec en référence des chansons comme « Mireille », « Sacré Géranium », qui pour moi ont un côté ludique et enfantin.
C'est très important, parce que pour la première fois tu as écrit un texte !
Calogero : Oui, j'ai écris un texte sur l'album parce qu'il n'y avait que moi qui puisse écrire celui là, il s'appelle « Je me suis trompé ». Ça nous arrive à tous de nous tromper, ça nous fait avancer. C'est une sorte de colère que j'ai mis dans cette chanson et une fois sorti ça va mieux.
Comment as-tu eu le courage de t'exposer avec cette chanson là ? C'est un état d'urgence ?
Calogero : Oui, c'est quelque chose qui doit sortir, une question de tripe. La chanson était courte donc pas trop difficile à écrire. S'il avait fallu écrire beaucoup de mots je ne l'aurais pas fait. La chanson dure 2 minutes 30 et tout est dit.
Le premier single, cette chanson écrite par Jean Jacques Goldman, avec cette chanson très personnelle, plante le décor, la toile de fond de l'album. Quelque part, tu nous fais entrer dans une certaine intimité ?
Calogero : Oui, la chanson « C'est dit » est une chanson sur l'amitié. Comme plein de gens, c'est très important pour moi. Malgré tout ce qu'on peut réussir dans la vie, le pire de tout est de se retrouver seul. La solitude que l'on n'a pas choisi, c'est ce qu'il y a de pire. Je suis très heureux d'avoir quelques amis, je n'ai pas beaucoup de vrais amis, et faire des diners un peu à l'ancienne, comme Ventura le faisait avec ses potes. J'aime bien faire des pates à mes amis. La chanson et le clip reconstituent bien ma vie.
Puisqu'on est dans ton studio, il y a une console derrière, sans rentrer dans des détails techniques, quand l'inspiration te vient, est-ce que tu as des réflexes, un processus dans lequel tu te mets à chaque fois ?
Calogero : Je ne compose pas tout le temps en studio, ça m'arrive souvent en vacances parce que je m'ennuie très vite. J'aime bien commencer à rêver à mes futurs projets en vacances. Ça peut m'arriver n'importe où, c'est ce que je sais faire de mieux, la musique est ma plume à moi, c'est mon stylo. Il faut que je compose pour me sentir bien.
En l'occurrence, pour cet album, est-ce qu'il y a eu un titre déclencheur de la suite ?
Calogero : Le titre déclencheur de l'album est « La fin de la fin du monde », c'est la chanson qui ouvre l'album, ma préférée. Elle a une espèce de ton, avec ce rythme de tarentelle qui peut donner l'impression que c'est une nouvelle ère pour moi.
Tu disais « Marche héroïque », c'est un peu l'apaisement ?
Calogero : Oui, il y a un côté apaisant. C'est aussi comme une boule de feu, il y a une urgence dans cette chanson, quelque chose qui avance comme si s'était la fin du monde. En même temps c'est fini, la fin est passée.
Tarentelle Sicilienne ? C'est bien ça ?
Calogero : Oui, le rythme est complément sicilien. Ça ne s'entend pas parce que les arrangements sont très influencés de Divine Comedy, c'est assez anglo-saxon, mais le rythme est complètement italien.
Tu aimes bien toutes ces histoires musicales épiques, ce côté Pop Symphonique.
Calogero : J'aime de plus en plus ne pas chanter les refrains, c'est ce qui se passe dans cet album, il n'y a pas beaucoup de refrains. Il n'y a que « L'Ombre et la Lumière » dans laquelle il y a un refrain, sinon il n'y en a pas. Je raconte des choses dans les couplets et je lance de la musique dans les refrains.
Pour terminer, il y a ce titre en italien, ce sont un peu les origines qui sont toujours là. On peut imaginer un disque en italien ? Qu'est-ce que ça provoque chez toi ?
Calogero : Quand on me demande pourquoi je ne chante pas en anglais de temps en temps, je préfère chanter en italien, c'est plus authentique, c'est la langue de mes parents. Ça fait longtemps que j'avais envie de faire ça mais il fallait que ça soit le bon texte, la bonne musique. C'est mon frère qui m'a proposé cette petite pièce, on dirait un mini opéra rock en fait. J'ai essayé pas mal de textes en français et je me suis rendu compte que c'est une musique qui supporte vraiment bien l'italien. C'était donc enfin l'occasion de le faire, de pouvoir chanter en italien, et travailler avec Piero Pelu, avec qui j'avais déjà travaille un peu, qui est le chanteur de Litfiba. Il m'a fait ce texte, qui parle de Dracula, « Il Conte ». Je suis assez fier, j'en ai un peu chié pour l'accent mais je crois que le résultat est chouette. Ça me touche beaucoup de pouvoir chanter dans la langue de mes parents.
Interview réalisée par Thierry Baumann.
Sources : Tele-vision.
Visuels : © Benny Valsson