Voilà déjà quelques années que Casey, la rappeuse révoltée, Béatrice Dalle, l’actrice iconique et punk, et Virginie Despentes, la romancière engagée et rock, écument les salles de l’Hexagone en clamant des textes militants et percutants, entourées pour l'occasion par le talentueux groupe Zëro.
Après avoir conquis le public (et nous par la même occasion) avec le spectacle "Viril", Casey, Béatrice Dalle et Virginie Despentes sont donc de retour avec un nouveau concert littéraire intitulé « Troubles ». Le concept reste le même : accompagnées en live par Zëro, les trois artistes récitent avec rage et conviction des extraits de textes contestataires. Cette- fois, elles s'intéressent aux écrits de l'Américaine Donna Haraway, pionnière du cyberféminisme, de Françoise d’Eaubonne, cofondatrice du Mouvement de libération des femmes en 1968, de la militante et écrivaine espagnole transgenre Alana S. Portero, de la poète et essayiste américaine Audre Lorde, de l'auteure et activiste américaine Mikki Kendall, mais aussi de Paul Preciado, de Pedro Lemebel sans oublier de Virginie Despentes, à travers son texte puissant et sincère : « Rien ne me sépare de la merde qui m’entoure ».
Ce jeudi 16 mai 2024, Béatrice Dalle, Casey, Virginie Despentes et Zëro étaient à la Gaîté Lyrique pour la première de leurs trois représentations de "Troubles" à Paris. Un spectacle qui affichait complet et auquel nous avons eu la chance d’assister. On vous raconte.
C’est un peu avant 20h40 que le groupe Zëro débarque sur scène à quatre, histoire de mettre le public dans l’ambiance grâce à des sonorités post-rock. Rapidement, Casey, Béatrice Dalle et Virginie Despentes font leur apparition sur la scène de la Gaîté Lyrique sous un tonnerre d’applaudissements de la part d’un public déjà acquis.
Et Casey ne tarde pas à s’emparer du micro. Derrière son pupitre où sont disposés les extraits de textes, la rappeuse au crâne rasé balance : « Trouble est un mot intéressant, il vient d’un verbe français du 13e siècle, qui signifie remuer, obscurcir, déranger. Nous vivons des temps perturbants et confus, des temps troublants et troublés. Et quand je dis ‘nous’, je veux dire tout le monde sur Terre. Devenir capable d’y répondre ensemble dans toute notre disparité, telle est la tâche qui nous incombe ». Au bout de trois minutes, c’est au tour de Virginie Despentes de poursuivre, suivie de Béatrice Dalle, le tout mêlé à la musique envoûtante et entêtante jouée en live et avec brio par Zëro.
Pendant 1h15 de show, les trois artistes vont ainsi enchaîner - en solo, en duo ou en trio - les textes féministes et queer, dénonçant le sexisme, le racisme systémique ou encore le patriarcat. « La révolution écologiste, trans, féministe, décoloniale et antiraciste qui était en germe avant l’arrivée du Covid est peut-être fragile, mais elle est imparable » clamera dans la soirée Casey, dont il faut d’ailleurs saluer l’incroyable prestation. Ce jeudi soir à la Gaîté Lyrique, la rappeuse est exceptionnelle. Avec sa rage communicative et son incroyable débit, Casey prend le dessus par rapport à ses deux acolytes. À nos yeux, le moment le plus poignant reste ce texte récité par Casey évoquant le « féminisme blanc mainstream ». Beau, percutant et puissant !
La rappeuse réitère et nous touche au plus profond en comparant l'homosexualité à « un sniper aveugle comme l’amour [...]. Et s’il se lasse de prendre des enfants pour cible, il tire une rafale de balles perdues qui vont se loger dans le cœur d’une agricultrice, d’un chauffeur de taxi, d’un chanteur hip-hop, d’une factrice pendant sa tournée ».
Mais Béatrice Dalle et Virginie Despentes ont elles aussi excellé dans cet exercice. Malgré sa légère toux, l’actrice française a notamment livré une performance plus théâtrale en solo, profondément bouleversante et touchante.
De son côté, Virginie Despentes, plus réservée au départ, s’affiche plus déterminée au fil de la soirée jusqu’à ce final en apothéose. C’est ensemble que Casey, Béatrice Dalle et Virginie Despentes décident d’achever ce mémorable concert littéraire en s’échangeant des mots tranchants qui claquent comme des balles. Pendant plus de 8 minutes, les trois artistes évoquent George Floyd, Adama Traoré, Joaquin Delgado ou encore Angela Davis... le tout entrecoupé de cris et d’applaudissements émanant du public.
Percutant, militant et incroyablement rock... « Troubles » fait partie de ces concerts littéraires qui font réfléchir et dont on ne sort pas indemne. Seul petit bémol, on aurait aimé en voir et en entendre un peu plus. Bien trop court à notre goût. Notez que deux autres performances sont prévues ces 17 et 18 mai à la Gaîté Lyrique, mais elles affichent elles aussi complet. On espère donc de nouvelles dates prochainement dans la capitale !
Lieu
La Gaîté Lyrique
3 Rue Papin
75002 Paris 2
Accès
Métro ligne 3 ou 4 station "Réaumur-Sébastopol"
