Depuis Ivo van Hove, c'est bien simple, la Comédie-Française ne se refuse plus rien. Eric Ruf, ça n'a désormais rien de nouveau, a décidé en prenant la direction de la Maison de lui donner un grand coup de jeunesse, de secouer les habitudes en invitant notamment ce qui se fait de mieux en matière de directions d'acteurs.
Pour la rentrée, il frappe très fort. Il n'en fallait en effet pas moins à Thomas Ostermeier pour sa première collaboration avec la grande Maison de Molière. Monter William Shakespeare sur ce plateau aussi illustre a quelque chose d'une consécration, d'une pleine confiance aveugle. Paris adore Thomas Ostermeier - tous les spectacles qu'il présente ici sont pleins - et il le lui rend bien.
A la Comédie-Française donc, le directeur de la Schaubühne monte La Nuit des rois ou tout ce que vous voulez, dans sa traduction signée Olivier Cadiot, une pièce entrée au répertoire du français en 1940 mais qui n'a pas été montée depuis 2003. Sur le plateau, un casting de haut-rang, la crème de la crème : Denis Podalydès, Laurent Stocker, Stéphane Varupenne, Adeline d'Hermy, Georgia Scalett ou Christophe Montenez (qui est probablement la plus belle révélation de la troupe de ces dernières années, la plus déjantée, aussi).
©Jean-Louis Fernandez
Dans cette pièce, Shakespeare évoque, avec toute la modernité qui fut la sienne, la force du désir et la complexité de l'identité genrée (déjà en 1602, c'est donner une sacrée claque de ringardisme aux éternels contestataires de la question !)
L'histoire est celle de Viola, rescapée d’un naufrage – comme son jumeau Sébastien dont elle n’ a pas de nouvelles – qui se travestit, prend le nom de Césario et offre ses services au duc Orsino. Charmé, ce dernier en fait son page et le charge de transmettre son amour à la Comtesse Olivia. Mais Césario/Viola, secrètement séduit(e) par le Duc, excelle si bien dans sa mission que la Comtesse s’éprend de notre usurpatrice. Parallèlement, un fou, une servante plus fourbe qu'elle n'y paraît et un duo de cousins à l'alcool facile.
Salle Richelieu, donc, une tempête. La troupe, magnifiquement dirigée par le génie allemand, prouve une nouvelle fois que tout lui va. Elle offre au public un spectacle déroutant mais absolument délicieux, terriblement drôle et cassant à la pelle les codes de la Maison. Une avancée au centre du parterre offre aux comédiens comme au public une proximité quasi inédite. En quelques mots, c'est une idée géniale.
Par ailleurs, Thomas Ostermeier, qu'on sait attentif à la politique, n'a pas hésité à insérer dans son spectacle de nombreuses références à l'actualité notamment sur l'affaire Benalla ou plus récemment sur les diverses bourdes du Président de la République. La salle est hilare, tant Laurent Stocker et Christophe Montenez portent bien les costumes des humoristes. Certains trouveront ça facile, d'autres culottés et déplacés. On peut aussi trouver l'idée habile et efficace, il n'y a qu'à regarder les tonnerres d'applaudissements qui s'abattent sur la troupe quand, après près de 3h de spectacle, le rideau tombe sur ce théâtre voyou, ce texte qui n'a pas pris une ride et cette troupe plus jeune que jamais.
Infos pratiques :
La Nuit des rois, à la Comédie-Française du 22 septembre au 28 février 2019.
Consulter le calendrier de l'alternance.
Tarifs : de 5 à 43€
Réservations : 01 44 58 15 15
Dates et Horaires
Du 22 septembre 2018 au 28 février 2019
Lieu
Comédie française - salle richelieu
2, rue de Richelieu
75001 Paris 1
Accès
Métro Palais Royal - Musée du Louvre
Site officiel
www.comedie-francaise.fr