Report : Tristesse Animal Noir, bouleversant.

Par · Publié le 19 octobre 2011 à 15h26
Jusqu’au 21 octobre, le Théâtre de Vanves, décidément spécialiste en dénicheur de nouveaux et brillants talents, présente la pièce Tristesse Animal Noir, une création du collectif Si vous pouviez lécher mon cœur.
Directement inspirée de la pièce éponyme écrite par Anja Hilling en 2007, Tristesse animal noir est mise en scène par Julien Gosselin, pour le théâtre de Vanves.

Cette pièce de 2h20 commence par une scène des plus banales de la vie quotidienne. Six amis, un tantinet bobo, parlent art, sexe, architecture, Elvis Presley… Ils sont aussi normaux que vous et moi, et ne sont pas particulièrement intéressants d’un point de vue théâtral. Ils offrent juste une scène de vie quelconque, où des amis, idéalement pour la vie, parlent, partagent, discutent. Tous les six, Jennifer, Miranda, Paul, Oskar, Flynn et Martin, plus un bébé, Gloria, sont en forêt autour d'un barbecue. Ils fument des clopes, boivent de la bière, s’engueulent un peu, et ironisent beaucoup. Bref, ils vivent simplement et librement dans la nature, cette nature en qui nous avons une confiance aveugle. Puis enfin, tard dans la nuit, ils s’endorment, enveloppés dans leur sac de couchage. C'est alors que surgit le drame. L’inconcevable. D’une cigarette, d’une étincelle, un incendie se déclare, propageant le chaos tout autour d’eux. Les flammes grondent, et mettent les corps en ébullition. Puis, le mini van explose.

Cette première partie où se jouait l'absolu quotidien se transforme alors en une scène extrêmement poignante, et intense. Les 6 comédiens se transforment alors en machine à souffrance, où les cheveux et les peaux brûlent, où la suie s’installe sur les yeux et les corps. Avec beaucoup de modernité, Anja Hilling (magnifiée par la mise en scène de Gosselin) offre dans cette pièce une scène majeure du théâtre contemporain, une scène d’une intensité et d’une cruauté rare. Tout n’est que drame, tout n’est que zizanie. La folie les emporte, alors même que leurs corps sont en contact direct avec le bûcher. Trois groupes se forment ainsi. Un bébé et sa mère, un frère, une sœur et son ex-mari, un couple nouveau… Ceux qui réussiront à se sortir de là ne seront jamais vraiment les mêmes.

Avec beaucoup d’ironie, Anja Hilling offre une vision décalée de l’agonie. Dans l’attente, dans le désespoir, dans la tristesse qui les envahit et la lutte inutile contre la mort ou le changement (on aimerait, ô combien, que finalement ils se réveillent, et que tout cela ne soit qu’un rêve), les comédiens réussissent à ironiser, à rire de leur situation : « Paul. […] Est-ce que je te plais de nouveau. Avec ma nouvelle coiffure. » ; « Je ne serai pas là pour l’enterrement. Un empêchement pour ainsi dire. Mon bras doit être amputé. Tu pensais seulement la main. Espèce d’optimiste. ». Chacune de ces phrases nous met mal à l’aise face à un tel malheur, nous spectateurs, impuissants, qui n’aurions été capables que de pleurer. En face de nous, des hommes et des femmes se relèvent, après la tragédie.

Une troisième partie commence, intitulée « La ville », où comment survivre à ça. Plaies intérieures, plaies extérieures, chacun trouve sa façon de subsister. On tombe dans de l’art approximatif, on se plonge dans le silence, on ne trouve rien d’autre que l’éloignement…

La mise en scène de Julien Gosselin et le jeu du collectif Si vous pouviez lécher mon cœur est d’une intensité exceptionnelle. Fort longue, cette pièce est cependant un véritable bonheur pour les sens, tant les émotions sont fortes, tant le ressenti est grand, tant le jeu est puissant. La conception visuelle et sonore (des lumières blanches et agressives, un projecteur de fumée, une symphonie saturée à la guitare) de la pièce offrent d’autant plus de violence à l’ensemble, qui, même sans ce superflu, nous auraient déjà entièrement conquis.

Informations pratiques

Lieu

12 rue Sadi Carnot
92170 Vanves

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