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· Publié le 26 octobre 2011 à 15h26
Jusqu’au 31 décembre, la troupe de la Comédie Française se lance dans Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. Curieux, nous nous sommes installés dans l'un des superbes fauteuils de la Salle Richelieu…
Mise en scène par
Galin Stoev (à qui l’on doit notamment une adaptation de
l’Illusion Comique pour la Comédie Française en 2008 ou
Danse Delhi en 2011 pour la Colline),
le Jeu de l’amour et du hasard présentée depuis le 11 octobre, Salle Richelieu et avant cela au
Centquatre, est un véritable enchantement des sens. Comprenez, tout n’est que gourmandise, fraîcheur et pureté. C’est une superbe fresque de la vie de l’époque des Lumières qui nous est ici offerte. Un tableau des mariages sociaux du XVIIIème siècle, des comportements, des opinions.
Silvia, jeune femme à la fleur de l'âge, est promise à Dorante par son père, Orgon. Quant elle apprend que celui-ci doit venir lui rendre visite afin « de s’aimer avant de s’épouser », la jeune femme supplie son père de la laisser se cacher derrière le costume de sa suivante, Lisette, afin de mieux pouvoir observer son futur époux. Monsieur Orgon accepte, trouvant l’idée astucieuse et amusante. Bientôt Mario, fils d'Orgon, et Orgon lui-même, découvrent que Dorante a eu la même idée. Il arrivera à la demeure familiale derrière le masque de son domestique, un certain Bourguignon.
Dans la peau des deux jeunes gens censés se découvrir, se trouvent donc les deux domestiques. Seuls au courant de la supercherie, le père et le fils se régalent du spectacle qui se déroule sous leurs yeux. Des domestiques gauches dans leurs tenues de bal, des jeunes gens de bonnes familles trop distingués pour incarner le rôle des serviteurs. De cette grotesque situation découlera de très mémorables scènes, délicieuses et délicates. Contre toutes attentes, les jeunes gens se reconnaissent cependant, et ce, sans le savoir… Les coutumes de la noblesse ne sauraient s’effacer sous un masque,comme les habitudes, l’honnêteté ou la décontraction des serviteurs.
La plus fameuse comédie de Marivaux offre au spectateur la certitude de sa fin. Pas de doute possible sur un éventuel échec. Et tout fonctionne à la perfection, grâce à une mise en scène audacieuse et moderne, des costumes en partie d’époque, en partie contemporains (nous saluons Silvia, dans sa tenue de suivante, perchée sur des cuissardes en cuir, diaboliquement glamour). Le décor aussi contribue à cette fluidité des gestes et des actions : un labyrinthe de plateaux qui coulissent, des panneaux bucoliques et fleuris aux tons rosés et violines. Innocence et candeur. Le décor déjà, nous offre un spectacle rassurant et printanier.
Le Jeu de l’amour et du hasard, pièce écrite en 1730 par
Marivaux pour les Comédiens Italiens, offre alors un sublime ensemble. Les acteurs sont d’une justesse ahurissante (nous savourons le jeune
Pierre Niney, légèrement extraverti, qui donne à Mario un aspect de savant fou et déluré absolument délicieux). Tout semble couler de manière irréprochable, même quand Silvia (Léonie Simaga) se perd dans ses pensées et dans ses confusions, provoquant un monologue des plus agités.
La mise en scène de
Stoev offre un brin de folie qui manquait à cette pièce classique. Les jeunes acteurs mettent leur énergie débordante et leur folie à contribution de ce chef d’œuvre. Tout n’est qu’acidulé, tout n’est que douceur. On rit aux éclats pendant deux heures, on rit grâce à des mimiques, grâce à des comportements étonnants et naïfs. Stoev, sans aucun doute, sublime ici la pièce de Marivaux, grâce à une troupe des plus harmonieuses.