Wajdi Mouawad revisite dans « Temps » les lignes directrices dont il est aujourd’hui l’habitué. Mystères de l’enfance, tragédies familiales, quête de l’identité. Dans l’œuvre de Wajdi Mouawad, tout est bouleversant, puissant. « Temps » n’échappe pas à la règle, et nous entraîne dans un tourbillon de souvenirs terrifiants, prenants, qui vous scotchent à votre siège rouge.
Tout commence par l’annonce d’un père mourant. Un père brillant aux yeux d’une ville qu’il a bâti et dont il est le mythe, un père infâme quand la vérité éclate. Dans cette ville, Fermont, les hivers sont rudes, et les vents violents. Des sirènes retentissent à la manière d’un Silent Hill pour avertir de l’invasion momentanée d’une horde de rats. Vêtue de longs manteaux de fourrures marrons, la famille se déchire, en attendant la mort du père, le vaillant poète héros de tous, surtout de sa nouvelle épouse, Blanche.
Les trois enfants du poète, Arkady, Edward et Noëlla, se retrouvent après 40 ans de séparation, et la vérité ne tardera pas à éclater sur les quelques vies brisées. Bouche-bées, nous assistons à la reconquête de la liberté par une famille perdue, où le poids d’un passé est des plus lourds. Le temps n’y change rien, seuls les actes peuvent parfois libérer les paroles.
Sur une musique de Bertrand Cantat, ce qui n’a rien d’étonnant, et toujours avec énormément d’émotion, Wajdi Mouawad nous offre une fresque tragique et prenante de trois visions différentes du temps. Il y a certaines pièces qui ne peuvent être réellement expliquées. Temps fait partie de celles-là. C’est encore une fois avec brio que Mouawad accapare notre esprit, nous touche profondément et nous impressionne de son talent immense. Le théâtre Quebécois, avec ce genre de spécimen, a de belles heures qui l’attendent !