Chape de plomb des dictatures
Saviana Sténescu est sans pitié ; elle trempe sa plume dans un jus acide aux effluves dadaïstes pour faire voler en éclats un système patriarcal et phallocrate brutal qui avilie la femme et la réduit au rôle de génitrice. La dictature noire des Ceausescu représentés ici par un couple de fossoyeur-pleureuse mégalomanes, ancrés dans une tradition morbide s’emploie de son côté à éliminer toute autre forme de création, en particulier artistique. Le mauvais traitement que Saviana Sténescu s’amuse à infliger à ses personnages est un écho rageur à ceux qu’ils infligent à son héroïne, Zozo, figure emblématique de jeunes femmes et d’artistes sacrifiées.
Avec la complicité des mères
L’obsession de Zozo à devenir mère, et ce depuis son plus jeune âge, répond à la culpabilité ou à la peur de chaque femme de ne vouloir ou ne pouvoir pas l’être. La femme, digne descendante d’Eve se doit d’être épouse (bonne), mère (bonne), et gardienne du foyer.
Condamnée à procréer
Rebelle à un homme qu’on lui donne de force, Zozo rejoint le mythe de Lilith et se voit condamnée à donner naissance à un enfant non viable qui meurt à la naissance. L’homme refuse toute sépulture à ce qu’il considère comme un déchet et le jette dans les chiottes, ce qui rappelle les traitements inhumains réservés aux enfants roumains handicapés.
Etapes d’une folie annoncée
Zozo, privée dès l’enfance d’une possibilité d’un devenir de femme et d’artiste, échoue dans le seul rôle qui lui soit alloué par la société et bascule du côté de la folie. Cette marginalisation est un fragile expédient à la férocité et à la tyrannie d’un monde dit normal.
Noir, jouissif, exutoire
L’humour noir de la pièce avec ses accents provocateurs, ses excès morbides, ironiques et absurdes révèlent le dégoût et la révolte contre un état de faits particulièrement hypocrites, larvés et odieux.
Fernand Léger disait : « Il n’y a pas plus cubiste que la guerre qui te divise un bonhomme en morceaux et te l’envoie aux quatre points cardinaux ».
Errance avec ses fantômes
Jamais nihiliste, Compte à rebours renferme un départ, une explosion, un élan.
Même si, à la fin, le « zéro » répété par Zozo cerne le personnage par le cercle de sa propre limite, - comme les effets de ronds dans l’eau d’un pavé jeté dans une mare –, la théâtralité du meurtre du contrôleur affirme d’emblée l’extrémité à laquelle se rendre pour accéder à l’émancipation et l’intelligence de le faire par le théâtre.
Mais Saviana St?nescu n’est pas dupe et la voix fantomatique de Zozo pour dire le dernier « zéro » indique bien que les démons de Zozo n’ont pas fini de la hanter
Texte Saviana Sténescu
traduit du roumain par Mirella Patureau
publié aux éditions l'Espace d'un instant
Mise en espace Valérie Antonijevich
Scénographie James Brandily
Avec Yves Buchin, Laurène Cure, Evelyne Roulier et Frédéric Jeannot
Collectif Maquis'art et Cie
en Transhumance à la MEO
Ce projet est soutenu par la Direction des Affaires culturelles de la ville d’Aubervilliers.
En savoir plus sur le Collectif Maquis'arts
Plein tarif : 10 €
Tarif réduit : 5 €
Tarif adhérents : 3 €
Informations et réservations au 01 40 24 00 55
Dates et Horaires
Le 14 mars 2013
À 19h30
Lieu
Maison d'Europe et d'Orient
3 passage Hennel
75012 Paris 12
Tarifs
10€