Qu’il est compliqué de s’attaquer à une œuvre aussi mythique que Les Enfants du Paradis… En 1944, quand Jacques Prévert et Marcel Carné décident de travailler ensemble de nouveau, après le succès des Visiteurs du Soir, et ce, malgré la dureté des tournages de cinéma pendant l’Occupation allemande, les critiques sont aux aguets. Les Enfants du Paradis résonnera finalement comme LE film des années d’Occupation, et sera un des plus gros succès du cinéma post-guerre (le film ne sortira sur les écrans français qu'en 1945).
L’idée originale (signée à la réalisation par Carné et au scénario par Prévert, aidée à l’origine par Jean-Louis Barrault), retrace l’histoire d’amour d’une femme libre et indépendante, Garance (jouée par Arletty, qui signe ici son plus grand rôle) et Baptiste, un mime très largement inspiré du mime Debureau, interprété par Jean-Louis Barrault, alors sociétaire de la Comédie-Française, assez loin cependant de ses grands succès aux côtés de sa compagne de toujours, Madeleine Renaud. Sur le boulevard du Crime (l’actuel boulevard du Temple à Paris), les théâtres sont nombreux, et l’activité incessante. Ce quartier populaire est le décor de l’histoire.
Des personnages aussi charismatiques qu’un acteur prometteur, Frédérick Lemaire (Pierre Brasseur), un bandit élégant, Lacenaire –qui a réellement existé- (Marc Herrand) ou une amoureuse désespérée, Nathalie (le premier rôle de Maria Casarès) croisent le chemin des deux têtes d’affiche des Enfants du Paradis. Qu’il est difficile donc, de s’attaquer à cela, de couper ces dialogues de Prévert, qui n’en méritaient pas tant, même si l'essentiel est là.
La Compagnie peine donc à faire réapparaître toute l’émotion et la justesse de tous ces incroyables acteurs et du film devenu légendaire… mais qui le pourrait ? C’était un pari ardu. Si certains personnages, tels que Lacenaire ou Frédérick Lemaître, retrouvent, grâce à un travail indéniable des acteurs sur la voix et l'allure, une âme, nous ne pouvons que rester sur notre faim. La mise en scène, quant à elle, ne parvient pas à restaurer toute l’élégance du film, tombant, d'une part, dans une modernisation qui n’était pas nécessaire, et d'une autre part, dans un théâtre qui manque de dynamisme. Certaines scènes voient par exemple leur élan gâcher par une lumière qui s'éteint pour laisser passer quelques notes de musique... Le plus grand regret : une Garance trop enfantine, bien loin de la prestance de l’éternelle Arletty, de sa puissance et de sa force.
Pour conclusion, nous dirions que la pièce n’apporte pas grand chose aux connaisseurs et amateurs du film de Carné, et que cette adaptation n’est certainement pas assez claire pour ceux qui découvrent Les Enfants du Paradis, sans faire pour autant passer un mauvais moment, naturellement.
Infos pratiques :
Les Enfants du Paradis, au Lucernaire, jusqu’au 30 mars 2014.
Du mardi au samedi à 20h, et le dimanche à 15h.
Tarifs : de 15 à 30
Réservations : 01 45 44 57 34
Dates et Horaires
Du 5 février 2014 au 30 mars 2014
Lieu
Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris 6
Tarifs
Chômeurs, étudiants, abonnés : 15€
+ 65 ans : 25€
TP : 30€