Près de 130 ans après leur mort respective, en 1891 et 1896, un groupe d’intellectuels, académiciens et universitaires demande le transfert des dépouilles de Rimbaud et Verlaine, et invoque quatre raisons. Elles seraient littéraires, politiques, morales et judiciaires. Dans un texte, présenté dans le journal Le Point, les auteurs évoquent « leur génie », eux qui ont « enrichi par leur génie notre patrimoine. » Allant jusqu’à les considérés comme étant les « Oscar Wilde français ».
Pour les auteurs, « ils sont aussi deux symboles de la diversité [et] ils durent endurer "l’homophobie" implacable de leur époque ». Alors que d’autres figures littéraires telles que Voltaire, Rousseau, Dumas, Hugo ou Malraux sont elles inhumées au Panthéon, ces deux grands auteurs sont enterrés dans leurs caveaux familiaux : « Rimbaud à Charleville, avec son ennemi et usurpateur, Paterne Berrichon » et Verlaine, au cimetière des Batignolles, « près du périphérique sous d’affreuses fleurs en plastique. » La raison de leur sort ? Pour les auteurs, pas de doute possible, c’est l’homophobie.
Dans un dossier rendu public, les archives prouvent que le parquet belge et la police française ont monté un dossier à charge contre Verlaine, "lié à son rôle dans la Commune et à son homosexualité". Pour rappel, l’auteur avait passé 555 jours en prison alors qu’il aurait dû n’y passer que quelques semaines, suite à la tentative de meurtre sur Rimbaud. Des archives de la préfecture de police de Paris montrent que l’aggravation de sa peine se serait faite en raison de ce "drôle de ménage".
Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, a signé la pétition tout comme neuf de ses prédécesseurs. Dans une interview au Point, elle argumente : « l’homophobie mérite d’être combattue encore et encore, parce qu’elle existe dans des pans entiers de la société, et dans toutes les époques. Je marraine d’ailleurs une association appelée Le Refuge, qui vient en aide à de jeunes homosexuels chassés par leur famille. C’est pour cela que le fait de faire entrer ces deux poètes qui étaient amants, oui, ensemble, au Panthéon aurait une portée qui n’est pas seulement historique ou littéraire, mais profondément actuelle. »
Emmanuel Macron n'a cependant pas donné suite à cette demande populaire. Le président de la République a déclaré dans un courrier adressé à l'avocat de la famille de Rimbaud, et dévoilé par l'AFP qu'il « ne souhaite pas aller à l'encontre de la volonté manifestée par la famille du défunt. La dépouille d'Arthur Rimbaud ne sera pas déplacée. » La Panthéonisation de Verlaine n'a pas été adressée.
Sollicitée par l'Agence France-Presse, l'arrière-petite-nièce du poète, Jacqueline Teissier-Rimbaud, explique ne pas vouloir réduire son aïeul à sa relation avec Verlaine : « tout le monde va penser homosexuels mais ce n'est pas vrai. Rimbaud n'a pas commencé sa vie avec Verlaine et ne l'a pas terminée avec lui, ce sont juste quelques années de sa jeunesse. Rimbaud est né à Charleville-Mézières, il reste à Charleville-Mézières, avec toute sa famille », tranche-t-elle.