« Il n’y a rien de répréhensible à dire, vous savez, euh, que vous avez refait les comptes. Tout ce que je veux c’est trouver 11 780 voix, soit une voix de plus que ce que nous avons. Parce que nous avons gagné dans l’Etat », insiste Donald Trump. Cet extrait de la conversation téléphonique entre le président américain sortant et le secrétaire d'Etat de Géorgie Brad Raffensperger horrifie les Etats-Unis.
Cette conversation d'une heure, datant du 2 janvier 2021, montre que Donald Trump tente de faire pression sur les élus locaux pour tourner l'élection américaine en sa faveur... quitte à jeter par la fenêtre tout principe démocratique.
Il faut dire que l'heure tourne pour le président républicain. Donald Trump n'a plus qu'une quinzaine de jours pour profiter de son statut de chef de l'Etat, avant de devoir passer officiellement la main à Joe Biden. Entre temps, les Américains attendent les résultats de l'élection partielle dans l'Etat de Géorgie. Tenue le 5 janvier 2021, cette élection devrait décider de la prochaine majorité du Sénat : démocrate ou républicaine.
Le jour suivant, le Congrès se réunit pour une session exceptionnelle durant laquelle Mike Pence, l'actuel vice-président des Etats-Unis et président du Sénat, doit annoncer le nom du futur chef de l'exécutif.
Alors, tentative de coup d'Etat ou dernier geste désespéré du président déchu ? Entre les menaces à peine voilées et le recours aux fausses informations, Donald Trump continue de se faire des ennemis dans son propre camp.
Le secrétaire d'Etat au cœur de cette polémique, Brad Raffensperger, est un républicain. Pourtant, c'est son bureau qui a remis au Washington Post l'enregistrement de cet appel surréaliste. Le secrétaire général de la Maison Blanche, Mark Meadows, l’avocate conservatrice Cleta Mitchell, et Ryan Germany, le directeur juridique du bureau du secrétaire d’Etat participaient également à cette conversation.
Donald Trump continue de se déclarer gagnant de l'élection, et victime d'un complot. « Alors Brad, dites-moi ? Qu’est-ce que nous allons faire ? Nous avons gagné l’élection et il est injuste de nous la retirer comme ça. Je pense que ce que vous devez dire, c’est que vous allez la réexaminer ; et vous pouvez la réexaminer, mais avec des gens qui veulent trouver des réponses, pas avec des gens qui ne cherchent pas à trouver des réponses », négocie le président sortant.
De son côté, le responsable républicain de la Géorgie refuse son soutien à Donald Trump et tente de corriger les fausses informations lancées à tout va. Brad Raffensperger explique notamment que les personnes morts n'ont pas voté lors de cette élection, et que les bulletins favorables à Biden n'ont pas été scannés trois fois, comme le prétend le président des Etats-Unis.
Voulant forcer le secrétaire d'Etat à agir dans son intérêt, Donald Trump glisse dans la conversation que si les élus géorgiens ne trouvent pas les « milliers de bulletins de vote » prétendument détruits, ils pourraient être passibles de poursuites. « C’est un crime. Et vous ne pouvez pas laisser cela se produire. C’est un grand risque pour vous et Ryan, votre avocat », insiste-t-il.
Le Monde rappelle que le torchon brûle dans la maison républicaine, scindée en deux : d'un côté ceux qui soutiennent toujours Donald Trump, et de l'autre ceux qui voudraient s'en détacher.
Si certains élus républicains refusent catégoriquement de reconnaître la victoire de Joe Biden, on trouve aussi des républicains pour dénoncer publiquement les actions du président, à l'image du représentant républicain de l'Illinois Adam Kinzinger, qui encourage ses collègues à ne pas accepter de tels agissements. « C'est absolument accablant. À chaque membre du Congrès qui envisage de s'opposer aux résultats électoraux, vous ne pouvez pas, à la lumière de ces révélations, le faire avec une conscience propre », a tweeté l'élu républicain.
A la révélation de ce scandale, les démocrates ont exprimé leur colère. Kamala Harris, la vice-présidente élue et ex-procureure, a dénoncé un « abus de pouvoir éhonté » et un signe du « désespoir ».