Le quatrième terminal de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle ne verra finalement pas le jour. Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, a annoncé au journal Le Monde ce 11 février que « le gouvernement a demandé [à Groupe] ADP d’abandonner son projet et de lui en présenter un nouveau, plus cohérent avec ses objectifs de lutte contre le changement climatique et de protection de l’environnement. »
Face à cette demande, le conseil d’administration de Groupe ADP, gestionnaire des aéroports parisiens de Roissy et d’Orly, doit se réunir et entériner cette décision dans la semaine du 15 février.
Le gouvernement souhaite annuler ce projet qui est « obsolète, qui ne correspondait plus à la politique environnementale du gouvernement et aux exigences d’un secteur en pleine mutation », explique la ministre. En cause également, la baisse drastique du trafic aérien, qui ne justifie pas l'ouverture d'un nouveau terminal. En effet, la crise du Covid-19 et toutes ses conséquences ont entraîné une chute du trafic de 69% en 2020. Selon des projections, le trafic des aéroports parisiens ne devrait revenir à la normale qu'entre 2024 et 2027.
Ce projet avorté devait permettre d'accueillir jusqu'à 40 millions de passagers en plus par an d'ici 2037, et 450 vols supplémentaires par jour. Des objectifs impressionnants, qui auraient été rendus possibles grâce à un budget de construction estimé entre sept et neuf milliards d'euros.
Cependant, la crise est passée par là, et ces nouveaux voyageurs ne sont plus au rendez-vous. Le gouvernement propose donc à Groupe ADP de penser à un nouveau projet, mieux adapté aux réalités du secteur, et qui ne prévoit pas un agrandissement de l'aéroport. « Nous aurons toujours besoin des avions, mais il s’agit d’être dans une utilisation plus raisonnée de l’aérien, et d’atteindre une baisse des émissions de gaz à effet de serre du secteur », justifie Barbara Pompili.
Ce nouveau projet doit répondre à trois impératifs imposés par l'État. Roissy-CDG doit faciliter son accès par le train, et donc améliorer ses infrastructures ferroviaires. L'aéroport doit aussi s'adapter à la géothermie, afin de chauffer l'ensemble de ses bâtiments tout en réduisant sa consommation d'énergies. Enfin, le gouvernement pousse toujours son plan pour réduire les émissions carbone, avec des impératifs pour adopter des avions à hydrogène ou électriques, afin de mettre au point un avion neutre en carbone d’ici à 2035.
Le projet du terminal T4 est finalement abandonné au bon moment. Les travaux pour cette extension auraient dû commencer trois ans plus tôt. Déjà en retard, le chantier devait se mettre en branle cette année. Il est en somme heureux que la décision du gouvernement intervienne avant que la machine ne se soit mise en branle.
De nouveaux objectifs écologiques
Si un tel retard est à déplorer, c'est que le projet de construction d'un nouveau terminal a rassemblé de nombreux opposants. En 2019, l'autorité environnementale estimait que l'impact écologique de ce terminal était trop important et ne correspondait pas aux engagements environnementaux de la France.
En effet, l'augmentation de vols entraînait une hausse de la circulation automobile induite et de toutes les émissions de gaz à effet de serre associées au projet. De plus, le T4 aurait occasionné une dégradation de la qualité de l’air et du bruit, ce qui aurait eu des conséquences sur « la santé des résidents et riverains de la plate-forme aéroportuaire. »
Suite à cette évaluation, Groupe ADP avait dû revoir sa copie et « adapter [son] projet pour tenir compte des priorités issues de la crise sanitaire et ajuster en conséquence le calendrier ». Les changements effectués n'étaient cependant pas suffisants pour certains. Début 2021, une centaine de maires d'Île-de-France exhortaient Emmanuel Macron à mettre fin au projet T4. Des associations de défense de l’environnement et de collectifs locaux avaient également contacté la ministre de la transition écologique pour protester contre ces travaux d'agrandissement.
L'abandon du terminal quatre, et l'ébauche d'un nouveau projet à Roissy font écho au projet de loi « climat et résilience », présenté en conseil des ministres la veille de l'annonce de Barbara Pompili. Ce texte prévoit un encadrement plus strict de la création ou de l’extension d’aéroports à partir de 2022, en décidant que ces opérations « ne peuvent être déclarées d’utilité publique si elles conduisent à augmenter les émissions de gaz à effet de serre » du secteur aérien.
L'aéroport de Roissy n'est pas le seul à être concerné par ces nouvelles restrictions. Les aéroports de Nantes-Atlantique, de Bâle-Mulhouse (Haut-Rhin), dans les outre-mer et des aéroports militaires ne peuvent plus non plus effectuer de travaux similaires. De plus, ce texte de loi souhaite interdire certains vols domestiques, lorsque le trajet peut être effectué par train en moins de 2h30.