Le fisc s'en va-t’en guerre contre les fraudeurs sur la toile. Ce samedi 13 février 2021, un décret publié au Journal officiel précise la mise en place d'un système de surveillance généralisée sur les réseaux sociaux par l'administration fiscale française. Un texte qui vient donner des indications concrètes sur l'application de l'un des articles de la loi de Finances pour 2020, votée en 2019.
Concrètement, Bercy détaille comment ses services pourront contrôler les plateformes numériques telles que les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et Instagram, ou les sites de particuliers, par exemple Le Bon Coin et Airbnb. Avant tout, il s'agit pour le fisc de vérifier sur la toile les informations publiées "publiquement" par les contribuables, si elles correspondent à leurs déclarations annuelles et si tout est conforme. En ce sens, la direction générale des finances publiques annonce au Figaro que le dispositif doit se mettre en place dans les prochaines semaines, pour une durée d'expérimentation de trois ans.
Des publications signalant une activité frauduleuse
Mais alors, comment le fisc compte-t-il s'y prendre pour traquer les fraudeurs sur la toile ? Aujourd'hui, la très large majorité de nos actions et de nos publications sur les plateformes PAP ou les réseaux sociaux sont enregistrées. À chaque utilisateur, sa part de "data". Une montagne d'informations concrètes qui doit désormais passer au crible d'un "algorithme auto-apprenant" de l'administration fiscale, censé capturer des "mots-clés, des ratios ou encore des indications de dates et de lieux" pour permettre de détecter une éventuelle activité frauduleuse.
À l'heure de la crise sanitaire, alors que les réseaux sociaux prennent une part toujours plus importante dans nos vies, le dispositif est censé vérifier toute cette "data", sans pour autant outrepasser certains droits comme le respect de la vie privée. Un avis partagé par la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), qui joint au texte un avis prudent à ce sujet. " Les données susceptibles d'être collectées et exploitées doivent répondre à deux conditions cumulatives. D'une part, il doit s'agir de contenus librement accessibles sur un service de communication au public. D'autre part, ces contenus doivent être manifestement rendus publics par les utilisateurs de ces sites".
Phase d'apprentissage, puis phase d'exploitation
Pour aller dans le sens de l'instance, Bercy annonce une expérimentation progressive : d'abord une "phase d'apprentissage et de conception", puis une "phase d'exploitation des données". Avant tout, le fisc doit mettre au point bon nombre d'API (des interfaces "ponts" entre les applications et d'autres plateformes web), utiles pour trier la gigantesque quantité d'informations produites par les Français. Pour arriver à ses fins, Bercy souhaite perfectionner la technique de "webscraping", c'est-à-dire l'extraction des données d'un site web via un programme dans le but de les transformer pour permettre leur utilisation dans un autre contexte. Par exemple, dans le cas où l'utilisateur.rice serait susceptible de poster une publication en infraction avec le fisc.
Dans un second temps, Bercy entend orienter ses nouveaux outils vers un but assez précis : rechercher des fraudes et des infractions spécifiques. Toute publication qui laisserait entendre que le contribuable en question touche de près ou de loin au trafic de drogue, ou à la contrebande par exemple, seraient remontées à l'administration fiscale, comme les exilés fiscaux se déclarant domiciliés à l'étranger, mais qui se trahissent par des publications maladroites. Aussi, Bercy promet un dispositif "proportionné" strictement à la lutte contre la fraude fiscale. Dans tous les cas, le fisc n'est pas autorisé à garder ces données au-delà de 30 jours si elles ne sont utiles, et un an si elles signalent une activité frauduleuse.