Pouvoir prendre quelques jours de congés chaque mois sans perdre ses vacances pour mieux vivre ses règles ? C'est ce dont rêvent 68% des Françaises, selon un sondage Ifop réalisé pour 20 Minutes et Eve and co, marque de culottes menstruelles. Près d'un tiers des femmes aimeraient pouvoir s'arrêter quelques jours sans perdre leur salaire pour mieux gérer leurs douleurs ou leurs stocks de protection menstruelle.
Car l'un des facteurs déterminants dans ce besoin de congé supplémentaire, c'est la précarité menstruelle. Dans ce sondage, on découvre que 24 % des femmes indiquent avoir utilisé moins de protections périodiques que ce dont elles avaient besoin par manque d'argent, et 19 % avouent avoir dû choisir entre l’achat de protections périodiques et un autre achat de première nécessité. Plus inquiétant encore, 18 % n’ont pas pu acheter du tout de protections périodiques en période de problèmes financiers, et 15 % ont été contraintes de fabriquer elles-mêmes leurs protections hygiéniques. En tout, un tiers des femmes interrogées ont traversé une période de précarité menstruelle. Ce sont souvent des femmes de moins de 30 ans (37%) et pauvres (48%) qui sont touchées par ce phénomène.
Tara Heuzé-Sarmini, fondatrice et directrice générale de l’association Règles élémentaires, explique dans 20 Minutes que « la précarité menstruelle a de multiples visages. Personnes SDF, travailleuses pauvres, étudiantes, familles monoparentales… le fléau de la précarité menstruelle est omniprésent et occasionne des risques psychologiques et physiques graves : perte de confiance en soi, sentiment de gêne ou de honte ; infections, maladies parfois même mortelles (par exemple dans les pires cas du syndrome du choc toxique). »
Ainsi, pour faciliter le quotidien de nombreuses femmes, les Françaises interrogées se sont révélées favorables à de nombreuses mesures : distributeurs gratuits de protections hygiéniques dans les établissements publics (favorables à 92%) et les entreprises (90%), remboursement des protections périodiques par la Sécurité sociale (approuvé par 81% des femmes) et l'établissement d'un congé menstruel « c’est-à-dire une période pendant laquelle une personne qui souffre de règles douloureuses peut prendre un ou plusieurs jours de congé maladie », souhaité par 68% des interrogées.
Cette idée ne plaît cependant pas à tout le monde. Pour Ophélie Latil, fondatrice de l'association féministe des Georgettes Sand, un congé menstruel pourrait devenir un facteur discriminant à l'embauche des femmes dans les entreprises. Elle estime que, « plutôt que de donner des congés menstruels on ferait mieux d’augmenter la prise en charge des ostéopathes, qui soignent les douleurs de règles. Les douleurs menstruelles ne sont pas une fatalité ». La féministe ajoute : « Le congé menstruel essentialise les femmes parce qu’il associe les règles à la douleur, et cela ajouterait une méfiance supplémentaire dans le cas d’embauche de femmes en entreprises. On est déjà suffisamment discriminées. »
Elise Thiébaut est l'autrice de Ceci est mon sang : Petite histoire des règles, de celles qui les ont et de ceux qui les font. Contrairement à Ophélie Latil, la journaliste et écrivaine ne peut pas ignorer les résultats du sondage : « Si 68 % le demandent, c’est bien que cela correspond à un besoin ressenti. Il faut étendre les droits comme on a encadré le travail de nuit ». Elise Thiébaut se réjouit également de la proportion de femmes favorables à la gratuité des protections hygiéniques : « C’est un énorme pas en avant. Quand j’ai sorti mon livre, et que je disais que j’y étais favorable, les gens écarquillaient les yeux. Cela montre que la honte et le sentiment d’illégitimité attachés aux règles sont en voie de diminution. »
La France va-t-elle suivre le modèle de l'Ecosse et rendre les protections périodiques gratuites ? Ce choix comporte un risque, prévient Tara Heuzé-Sarmini : « En choisissant la gratuité universelle, on prend le risque de créer une dépendance au jetable : toutes les expérimentations de gratuité, en France, en Angleterre, en Écosse, aux États-Unis, se sont faites sur la base de produits jetables. Subventionner massivement ces produits se ferait au détriment de l’innovation, notamment dans les protections hygiéniques réutilisables, pourtant plus respectueuses du corps et de l’environnement. »
Or, le sondage prouve que la tendance est plutôt à l'écologie, au réutilisable et aux pratiques plus respectueuses de l'environnement et des corps. L'enquête de l'Ifop montre que le choix des protections périodiques utilisées dépend de plusieurs facteurs : le côté pratique (79 %), le confort (82 %), le côté sain (66 %) ou le fait d’éviter un choc toxique (61 %).
La protection de l'environnement n'est un facteur déterminant que pour 33% des femmes pour le moment, mais cette proportion pourrait augmenter dans les années qui viennent. Pour le moment, 4% des femmes interrogées utilisent des serviettes lavables, 3% des cup, et 7% des culottes menstruelles. Cependant, 69% des femmes se disent intéressées par l'utilisation de ces culottes spéciales règles.
20 Minutes détaille la méthodologie appliquée pour réaliser ce sondage : « l’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 1 009 femmes, représentatif de la population féminine française âgée de 15 à 49 ans. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas au regard de critères sociodémographiques, socioprofessionnels et géographiques. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 18 au 19 mars 2021. »