L'Académie de médecine et la Cour européenne des Droits de l'Homme plaident toutes deux pour que la vaccination contre le Covid-19 devienne obligatoire. Jusqu'à présent, le gouvernement français refusait d'imposer une telle contrainte aux citoyens. Cependant, l'évolution de la situation sanitaire pourrait bien forcer la main de l'exécutif : la France redoute l'arrivée imminente d'une quatrième vague épidémique engendrée par le variant Delta.
Ce variant a changé la donne : déjà, le gouvernement prépare un projet de loi pour imposer la vaccination obligatoire aux soignants. Emmanuel Macron va-t-il annoncer, ce lundi 12 juillet, que cette obligation est étendue à d'autres professions ? Le Conseil scientifique estime les « aidants », « les services à la personne » et d'autres professions non-médicales où les employés sont en contact avec le public devraient également se faire vacciner impérativement.
Certains vont même plus loin : les académies de médecine et de pharmacie veulent imposer la vaccination à tous les Français de plus de 12 ans. S'il est peu probable qu'Emmanuel Macron suive une telle recommandation, il est toujours possible que le chef de l'Etat décide d'imposer la vaccination à de nombreux adultes - et pas seulement des soignants. Lors du Conseil de défense sanitaire du mercredi 7 juillet, il a affirmé : « Maintenant, il ne faut plus se poser de questions ! Les Français doivent comprendre que le vaccin c'est la seule solution. »
Une stratégie qui a échoué ?
Autour de cette question, on retrouve l'enjeu de l'immunité collective : pour que celle-ci soit atteinte en France, il faut que « 90% de la population adulte ou 80% de la population totale (enfants inclus) » soit vaccinée, selon l'Académie de médecine.
Un niveau très dur à atteindre, d'autant plus que 3 Français sur 10 refusent de se faire vacciner, selon un sondage Odoxa-Backbone Consulting pour France Info, publié le 8 avril dernier.
Pour les instances de santé, pas le choix : le gouvernement doit rendre la vaccination obligatoire, sans quoi le pays ne pourra pas vaincre l'épidémie. Sur cette question, les citoyens sont partagés. Une étude réalisée en mai par Cevipof et Opinionway révèle que 51% des Français sont favorables à l'obligation de vaccination, et 46% y sont fermement opposés.
Pour le gouvernement, cette décision relève autant du choix politique que d'un problème éthique.
Si Emmanuel Macron refusait jusqu'à présent d'imposer la vaccination, c'est qu'il avait promis, lors de son allocution du 24 novembre 2020, qu'il « ne rendrait pas la vaccination obligatoire. » Le président de la République explique qu'il ne pouvait pas rendre obligatoire un vaccin nouveau, que le public ne connaissait pas, et dans lequel il n'avait pas confiance.
Pour encourager les gens à se faire vacciner, le chef de l'État a préféré miser sur une "communication transparente". « Si on veut que la nation reprenne une vie normale, il faut le maximum de gens qui se vaccinent. Mais je respecte l'avis de chacun, c'est pour ça qu'on ne l'a pas rendu obligatoire. Je préfère marcher par la conviction », affirmait-il le 21 mai dernier.
Du point de vue du gouvernement, une obligation ne serait plus utile aujourd'hui : tant bien que mal, l'exécutif atteint ses objectifs de vaccination. La France a dépassé le seuil des 50% de la population ayant reçu au moins une dose de vaccin.
Cependant, lorsque tous les volontaires auront eu accès au vaccin, la courbe des personnes vaccinées va se heurter à une barrière : celle érigée par les sceptiques et les Français opposés à la vaccination. Le ministère de la Santé le reconnaît : « on commence à arriver de plus en plus sur la population des sceptiques », confesse-t-il à l'AFP. Pour franchir cette barrière, le gouvernement mise sur une politique spéciale. « On continue cette politique d''Aller vers' systématique, et on descend par tranche d'âge. On a appelé les préfets, ARS, élus, centres de vaccination à mettre en place une stratégie de dernier kilomètre. »
Un enjeu éthique
Peut-on imposer une procédure médicale à un individu pour le bien des autres ? Le Comité Consultatif National d'Ethique a donné son avis fin mars. La vice-présidente du CCNE Karine Lefeuvre a expliqué, sur le plateau de France Info, que « l'enjeu éthique est celui du juste équilibre entre le principe d'autonomie qui repose sur la liberté de consentir de chacun et la responsabilité collective, puisque la vaccination confère une protection non seulement pour soi-même, mais aussi pour autrui ».
Ainsi, en période de pandémie, l'obligation vaccinale ne peut être imposée qu'en « dernier recours, face à une situation de très grave danger créé par une pandémie non contrôlée, avec une offre de vaccins à l'efficacité et à l'innocuité parfaitement connues et éprouvées avec le recul nécessaire », a statué l'institut.
Laisser aux citoyens le choix de se faire vacciner ou non va retarder l'arrivée de l'immunité collective en France. Cependant, les personnes volontaires à la vaccination acceptent bien mieux de se soumettre aux différentes doses prescrites, et peuvent encourager les indécis à sauter le pas, observe Karine Lefeuvre.