La vaccination contre le Covid-19 va-t-elle devenir obligatoire ? C'est en tout cas ce que semblent souhaiter de plus en plus d'instances de santé et d'organes décisionnels en France, à l'image d'un groupe de parlementaires du PS qui, le 31 août 2021, ont déposé une proposition de loi au Sénat "instaurant la vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2". Le "seul chemin à ce jour", explique le groupe, "pour sortir d’une politique de sécurité sanitaire et entrer enfin dans une politique de santé publique clairement assumée".
"Va-t-on vivre comme ça avec des semi-libertés pendant encore longtemps, avec un passe sanitaire qui fracture la société, des tests PCR qui vont devenir payants, alors que l’on sait aujourd’hui que le vrai moyen c’est la vaccination ?", demande ainsi Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat, à nos confrères de Ouest France le 8 septembre dernier. Et de poursuivre : "La liberté individuelle de certains ne peut pas mettre en péril la sécurité collective de toute une nation". L'ancien ministre de François Hollande considère également que "la vaccination obligatoire est la solution la plus simple, la plus compréhensible, la plus juste et la plus égalitaire entre les Français".
Le ministre enfonce le clou : "Pourquoi certains le feraient et d’autres non ? Dura lex sed lex, "la loi est dure, mais c’est la loi". Je suis intimement convaincu que si la vaccination devenait obligatoire, beaucoup de gens se plieraient à la règle. Et s’il y a aujourd’hui des interstices de mécontentement, c’est parce que les choses ne sont pas claires", indique-t-il. Une question de l'obligation vaccinale que le PS n'est pas le seul à se poser, celle-ci pouvant "s’imposer dans les prochains mois", selon Philippe Bonnecarrère, l’orateur du groupe Union centriste, comme le rapportent nos confrères de Public Sénat. "Au sein de notre groupe, nous n’écartons pas la possibilité de devoir envisager la vaccination obligatoire générale", avait-il également expliqué en juillet dernier. Même chose pour Martin Lévrier, sénateur LREM, qui n'écarte pas l'idée "d’aborder ce sujet rapidement".
Au gouvernement également, l'idée d'une vaccination obligatoire fait son chemin, même si elle n'est pas favorisée pour le moment. Mais celle-ci peut bien "venir à un moment", expliquait Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, le 29 août dernier chez nos confrères du Grand Jury RTL, Le Figaro, LCI. De son côté, le Premier ministre Jean Castex, tient à préciser qu'elle ne reste pas d'actualité : "J’ai écouté ce qu’a dit Monsieur Attal. Pour l’instant, les choses sont claires, nous atteignons l’objectif […] Nous verrons bien où on en est le 15 septembre", expliquait-il à nos confrères d'Actu Strasbourg le 31 août dernier.
Une idée d'obligation vaccinale qui pourrait prendre de l'ampleur depuis qu'une étude de l'Institut Pasteur, publiée le 6 septembre dernier, tend à démontrer qu'à l'heure actuelle, la couverture vaccinale était loin suffisante pour maîtriser le variant Delta et sa circulation. Selon les modélisations de l'Institut, il faudrait que 90% de la population soit vacciné pour espérer une immunité collective. Un constat que fait également Alain Fischer, le "Monsieur Vaccin" du gouvernement, expliquant qu'il faudrait "une couverture vaccinale d’au moins 90 %" pour "juguler l’épidémie". Mais celui-ci estime que nous n'en sommes pas à l'obligation vaccinale : "le variant Delta ne remet pas aujourd’hui en cause la campagne de vaccination", préférant favoriser le dialogue et la pédagogie avec les Français.
Déjà, le 1er août dernier, dans les colonnes du Journal du Dimanche, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux, s'était prononcé pour la vaccination obligatoire pour tous. Selon lui, le pass sanitaire « ne suffira pas à atteindre une vraie immunité collective ». Aussi, il appelait le gouvernement à « aller au-delà de l’incitation pour franchir la dernière marche » et ainsi à rendre la vaccination contre le covid-19 obligatoire pour l’ensemble de la population française.
Le 4 juillet dernier, sur le plateau du Grand jury RTL/LCI/Le Figaro, François Bayrou se disait lui aussi favorable à la vaccination obligatoire pour tous. "La vaccination, c’est la seule digue contre ce qui nous pend au nez, ce qui menace d’arriver, qu’il y ait une quatrième vague, pourquoi pas une cinquième vague. J’ai toujours pensé que ça finirait par la décision collective de rendre la vaccination obligatoire, comme les onze vaccinations qu’on donne au bébé à la naissance", expliquait le patron du MoDem, avant d’ajouter : "Je ne connais pas de décisions importantes qui n'aient pas provoqué de mouvement d'hostilité mais la grandeur, la responsabilité d'un dirigeant, c'est de dire : "Ecoutez, en conscience, j'ai consulté, travaillé, réfléchi sur ce sujet, en conscience, je vous dis que c'est ce qu'il faut faire".
Le 1er juillet 2021, lors d'une session au Sénat, plusieurs parlementaires ont eux aussi préconisé de rendre la vaccination obligatoire pour les 24-59 ans. Puis, le vendredi 2 juillet, la présidente du collège de la Haute autorité de Santé s'est elle déclarée en faveur d'une vaccination obligatoire pour tous les Français de plus de 12 ans.
Certains spécialistes évoquent aussi cette possibilité, comme Odile Launay, infectiologue à l’hôpital Cochin à Paris. "La question de la vaccination obligatoire va se poser" a-t-elle indiqué ce mercredi 4 août sur Radio Classique. "La variole, la polio, la rougeole sont des vaccins obligatoires et cela a permis d'éradiquer ces maladies. Alors si le pass sanitaire n'est pas suffisant, il faudra passer à l'obligation vaccinale" a-t-elle ajouté.
Jusqu’ici, le gouvernement a préféré miser sur « l’incitation », mais l’idée d’une vaccination obligatoire pour tous n’est plus exclue. « En fonction de l’évolution de la situation, nous devrons sans doute nous poser la question de la vaccination obligatoire pour tous les Français » avait ainsi déclaré Emmanuel Macron lors de son allocution le 12 juillet dernier.
Pour certains experts, le gouvernement devra se résoudre à rendre la vaccination obligatoire si le nombre de personnes vaccinées n'augmente pas suffisamment. Dominique Le Guludec, présidente du collège de la Haute autorité de Santé, avait déclaré sur BFMTV-RMC le 2 juillet dernier qu'en « fonction de la situation épidémique, en fonction du taux de vaccination qu'on aura atteint, il faudra l'envisager » pour les plus de 12 ans en général.
« On a une arme. On a le choix de se retrouver à l’automne dans la situation de l’année dernière avec un pic épidémique et des restrictions sanitaires ou on a le choix d’aller se faire massivement vacciner. Je ne peux qu’exhorter tout le monde à se faire vacciner parce qu’aujourd’hui on a une chance inouïe d’avoir des vaccins qui marchent contre les variants », insistait-elle encore.
Selon un sondage Odoxa-Backbone consulting pour France Info et Le Figaro, publié le 1er juillet, 58% des personnes interrogées se sont déclarées favorables à la vaccination obligatoire contre le Covid-19 pour l'ensemble de la population. En novembre 2020, ce pourcentage n'était qu'à 38%.