A travers le mythe d’origine des Kwoma, cette exposition raconte comment les hommes sont sortis de terre grâce à un cochon qui revenait couvert de rouge. Le visiteur découvre ainsi le mythe comme une nouvelle manière de comprendre le monde. Conçue en collaboration avec les artistes et les communautés Kwoma, cette exposition marque l’affirmation du devenir contemporain de cette culture.
Au fil de l’exposition, les peintures contemporaines (musée du quai Branly, Fonds régional d’art contemporain de Picardie, Amiens), les objets des collections du musée et le mythe sont présentés comme deux manières complémentaires de donner sens au monde chez les
Kwoma.
Le parcours suit cinq séquences, qui rythment l'exposition et s'articulent chacune autour d'une phrase narrative, tirée du mythe, et des œuvres correspondantes.
LES PASSEURS DE CULTURE
« Jadis, il y a très longtemps, les hommes vivaient sous terre, et tout ce qu'ils voyaient en regardant en haut était obscur. »
Les hommes vivaient en bas, au plus profond de la terre. Ils ne pouvaient pas regarder vers le ciel. Un homme changea tout : Guayamba fut le premier à poser le pied en ce monde. Voici comment cela arriva. Guayamba élevait chez lui un sanglier domestique : Djembiyawos, c'était son nom. Djembiyawos aimait se promener, et il allait loin, seul, chaque jour... Guayamba fut le tout premier Big Man, chef du clan Wanyi. Aujourd'hui, Kowspi Marek, né en 1943, et ses fils Chiphowka et Agatoak Ronny, sont à la fois ses derniers descendants et les premiers artistes kwoma contemporains. Ensemble, ils ont bouleversé les codes de la peinture, celle qui représentait jusqu'à présent les esprits dans les Maisons Cérémonielles.
Dès son entrée dans l'exposition, le visiteur découvre les trois portraits photographiques des artistes, chacun associé à l'une de ses œuvres. Ces peintures du mythe d'Apuinmai montrent une pagaie de parade, qui fait écho à la vitrine des objets de pouvoir présentés dans cette séquence (gourde à chaux, poignard, monnaies de coquillages). Ils évoquent le statut du Big Man incarné par le héros mythologique Guayamba comme par les artistes.
INITIATION A LA COULEUR
« Djembiyawos, le sanglier, avait la peau couverte d'une terre rouge, d'un rouge que personne en bas n'avait jamais vu. »
Guayamba voulut savoir d'où venait le rouge, cette couleur magnifique dont son sanglier revenait couvert. Le rouge n'était pas la couleur de la terre d'en bas... Belle et riche de promesses, elle lui faisait envie. Il se mit à guetter. Lorsque vint l'aube, le sanglier se leva.
Guayamba le vit s'approcher d'un massif de plantes hoïandu, y enfouir le groin, puis la tête. Il le saisit par la queue - Djembiyawos tira de plus belle !
Le rouge dont est couvert le cochon est nouveau pour les hommes du monde d'en bas. La peinture à l'acrylique a transformé l'art kwoma : les couleurs industrielles permettent à Kowspi, Chiphowka et Agatoak de réinterpréter les motifs traditionnels, d'explorer cette palette inédite, de peindre des choses qu'ils ne pouvaient représenter auparavant avec les pigments naturels.
Ces couleurs ne sont pas propriétés de l'Occident : grâce à elles, leurs peintures continuent d'initier l'œil à voir autrement. Elles prolongent les maquillages, les danses, les chants cérémoniels, où se bousculent des sensations intenses. Dans cette séquence, cette fascination pour une nouvelle couleur décrite dans le mythe est mise en rapport avec la palette des peintures acryliques. Les peintures acryliques sur pangal (pétiole de palmier sagoutier) et sur papier montrent cette appropriation des couleurs acryliques dans la peinture des mythes.
VOIR LE MONDE AUTREMENT
« Où suis-je ?... »
Djembiyawos avait hissé son maître à travers un trou appelé Wanmai, le Puits-de-Joie. Désormais, tout était transformé. Pour Guayamba, le soleil, la terre, les oiseaux, les arbres, les étoiles, tout était devenu clair, ouvert, lumineux. Sur une île au loin, il reconnut la couleur qui couvrait Djembiyawos : colline d'argile rouge, l'île de Kwoaga scintillait.
Les peintres kwoma composent leurs images au moyen de motifs qui réunissent les apparences du monde. Traditionnellement, ces échos se produisent par l'accumulation des peintures sur pétiole de palmier sagoutier dans la Maison Cérémonielle. Les artistes d'aujourd'hui rassemblent les jeux de lumière dans de véritables « miniatures », où les motifs traditionnels baignent les épisodes de différents mythes. La peinture transforme alors les êtres en motifs magiques, les visages apparaissent et disparaissent, la tradition se perpétue et se reconnaît dans les images contemporaines.
Au travers de peintures contemporaines et de pangal traditionnels, le visiteur part à la découverte des mythes de la culture Kwoma et rencontre les éléments naturels (lune, étoiles, lumière, etc.).
LA TRANSFORMATION DE SOI
« Suivez-moi ! Passons ensemble à travers Wanmai. Nous fonderons notre village. »
Guayamba appela les hommes de tous les clans à le suivre. Et tous, d'un monde à l'autre, de bas en haut, du jour au lendemain, ils passèrent Wanmai.
C'était une époque neuve et brute : hommes et femmes étaient gigantesques. Ils se rasèrent, ils s'installèrent. Dans leur premier village, ils construisirent la première maison cérémonielle, Weinbongur.
L'installation des hommes dans le monde d'en haut permet d'introduire le thème des transformations physiques et spirituelles. Les corps décrits par la peinture et les récits kwoma sont en perpétuelle transformation, et les hommes passent sans cesse les frontières avec les animaux, les végétaux (arbres, ignames), les objets. Les objets liés au culte animiste6 dialoguent avec un choix de peintures où les esprits et les motifs sont suivis dans leurs métamorphoses. La monnaie, les sculptures, les poteries ou les êtres représentés ici sont des hommes comme les autres : ils prennent part aux rituels des maisons cérémonielles.
Cette section propose de grandes sculptures Yena (cycle cérémoniel lié aux tubercules d'igname), des poteries et un choix d'œuvres autour des transformations (Mythes de Kumurr, Sasaap).
LA RENCONTRE DE L'AUTRE : GUERRE, CONQUETE, PAIX
« Bientôt, il fallut gagner les montagnes Washkuk. De là vient notre nom : Kwoma, hommes
des montagnes. »
L'île de Kwoaga devenait trop petite. Guayamba et ses fils, Sunguaï et Apiyawanch, couchèrent les herbes pour traverser le lac. Mais sur l autre rive, la forêt était habitée. La tribu des Ngala dévora leurs enfants : c'étaient des cannibales ! Alors commença une guerre terrible. Sunguaï et les siens combattirent les Ngala et leur chef Wolo. C'est ainsi qu'ils conquirent la terre où nous sommes - Kwoma, « Hommes des monts. » La conquête des monts Washkuk permet d'évoquer les contacts des Kwoma avec les autres cultures, aussi bien
par l'échange que par la guerre.
La guerre contre les Ngala (ennemis historiques des Kwoma) se compose de combats réels et symboliques. Vers 1930, les autorités australiennes imposèrent la fin de la chasse aux têtes, puis repartirent sans heurts en 1975. Aujourd'hui, les artistes des monts Washkuk continuent d'explorer de nouveaux territoires, déclinant à plaisir le rouge de Djembiyawos - l'intuition de l'ailleurs. Ici, bouclier, peintures mythologiques de guerres, objets Ngala viennent témoigner de ces échanges entre les Kwoma et les autres.
Pour finir, le visiteur est invité à « traverser » une photographie du site de Wanmai. Maintenant qu'il est initié, il peut sortir de l'exposition pour accéder au monde.