Le vampire

Par · Publié le 3 novembre 2008 à 0h
Heinrich August Marschner (1785-1861) a connu un triomphe avec cet ouvrage créé à Leipzig (Allemagne) en 1828 d'après le roman éponyme signé du poète Lord Byron.
"Der Vampyr" fit les beaux soirs de plusieurs scènes allemandes, notamment Wurtzbourg en 1833 sous la direction musicale d'un certain Richard Wagner, qui composa d'ailleurs la ballade de Senta de son "Vaisseau fantôme" sur le modèle de la romance d'Emmy, l'une des héroïnes de Marschner.
L'ouvrage allait gagner des capitales comme Londres et Vienne dès le XIXe siècle. Mais la France était restée à l'écart de l'engouement pour cet opéra fantastique bien de son temps, de cette époque d'avant-Dracula où l'histoire du vampire Lord Ruthven, contraint de s'abreuver du sang de trois vierges pour prolonger son séjour parmi les humains, provoquait la fascination.
Près de deux siècles plus tard, le mythe n'a peut-être plus l'odeur de soufre d'antan, mais la puissance évocatrice de la musique de Marschner est intacte.
Entre "Fidelio" (1814) de Beethoven et "Le Vaisseau fantôme" (1843) de Wagner, en passant par le "Freischütz" (1821) de Weber, "Le Vampire" est un maillon non négligeable de l'histoire de l'opéra allemand, mêlant diverses humeurs (la noirceur, la gaieté, le sentiment populaire...) au gré d'un traitement orchestral raffiné.
Le chef estonien Olari Elts, qui dirige pour la première fois dans la fosse de l'Opéra de Rennes cet Orchestre de Bretagne dont il est devenu le conseiller artistique en septembre 2006, anime la partition d'une belle énergie.
Le spectacle du jeune metteur en scène hongrois Zoltan Balazs a malheureusement tendance à étouffer cette vitalité dans une transposition japonaise façon kabuki, qui a au moins le mérite d'éviter la débauche sanguinolente dans lequel cet "opéra d'horreur" pourrait tomber.
La transposition paraît d'abord assez gratuite et plaquée sur l'œuvre au mépris de son atmosphère romantique, jusqu'à ce que ces lents rituels de vampirisation fassent leur effet en fin d'ouvrage.
La production vaut de toutes façons d'abord pour sa démarche patrimoniale, en même temps que pour son soutien à de jeunes voix: quatre de ses chanteurs sont les finalistes d'un concours de chant original, qui permet de juger les candidats en scène.
Après Rennes (trois autres représentations dimanche, mardi et jeudi), ce "Vampire" partira ainsi en Hongrie pour les finales du Concours d'opéra de Szeged, qui donneront lieu à deux représentations (15 et 16 novembre) dont la dernière sera diffusée en direct par la chaîne de télévision Mezzo.
Ces quatre artistes ne sont pas parfaitement armés pour affronter les exigences de l'ouvrage, mais on retiendra cependant l'expression émouvante de la soprano irlandaise Helen Kearns (Janthe/Emmy) de même que le timbre franc, quoiqu'à peine assez nuancé, du baryton syrien Nabil Suliman (Ruthven).
Pour un ensemble non permanent, le Chœur de l'Opéra de Rennes se tire pour sa part fort bien des sortilèges d'une partition qui le sollicite beaucoup.



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