Le leader de Glasvegas, James Allan, a trouvé le nom du groupe – ce mot-valise postmoderne évoquant à la fois la vaillance de la classe ouvrière de sa ville natale, Glasgow, et les strass de la ville où l’on ne dort jamais, celle où l’on flambe et où l’on fait la fête jusqu’au bout de la nuit, Las Vegas – avant même d’avoir composé son premier morceau. « Dans le temps, l’Ecosse excellait dans l’art de se déprécier, et tout le monde chantait avec un vague accent américain. Avec ce nom, je voulais donner l’image d’un groupe fier, d’un groupe qui s’assume. Certains mots jaillissent comme ça, comme des évidences. »
Et en effet, certains textes, certaines mélodies jaillissent de l'esprit de James Allan, et sont portés par la vision entraînante, majestueuse et affirmée de Glasvegas, l'un des rares groupes dont la musique, la sensibilité et l'attitude sont en phase directe avec les espoirs et aspirations de son public.
Le premier album éponyme du groupe, produit par James Allan et Rich Costey (Interpol, Muse, Franz Ferdinand, Mew), s'est installé en deuxième place des charts britanniques peu après sa sortie, en septembre 2008. Quant à Glasvegas -
le groupe, sa musique et son état d'esprit - le magazine NME le considère comme le « Meilleur nouveau groupe de rock du monde » (21 juin 2008). Pour James Allan qui, avant Glasvegas, a passé deux ans au chômage, la musique était un moyen de poser sur le papier les pensées et les sons qui se bousculaient dans sa tête, mais aussi une façon de s'extraire d'un environnement ouvrier où on alterne souvent périodes de travail et de chômage.
James doit ses premières influences musicales à sa sœur aînée, Denise, qui l'a bercé de Madonna, Kate Bush ou encore Bob Marley, et à sa mère, qui lui a transmis son goût pour des artistes de pop classique, de soul ou de rockabilly comme Roy Orbison et The Righteous Brothers. « Je n'achetais jamais de disques, se souvient-il, j'écoutais la musique que les autres mettaient. »
Partageant le même goût pour les jeux de mots et la musique des phrases bien tournées que le poète écossais du XVIIIe siècle Robert Burns (un autre Ecossais fier de l'être, aux origines modestes, habile dans le maniement des mots), James a commencé ses premières expérimentations poétiques « à l'âge de 9 ou 10 ans, avec un poème sur l'enfer qu'était l'école. Mon instituteur en a dit du bien, c'est resté gravé dans ma tête... Il faut dire qu'à l'époque, les compliments n'étaient pas monnaie courante ; j'étais loin d'être un élève modèle. »
Ensuite, James a très simplement franchi le pas et a commencé à associer ses poèmes aux mélodies pop qui trottaient dans sa tête. « Un jour, un garçon avec qui ma sœur sortait lui a acheté une guitare. J'ai gratté quelques cordes et ça sonnait bien. Et puis, j'ai appris quelques accords. Dans mon milieu, personne ne jouait de guitare, et personne ne s'affichait de cette façon, alors quand je l'ai annoncé à mes parents, je m'en faisais une montagne. Un peu comme un coming out musical. Et ils ont juste dit : "D'accord. Très bien". »
Tout naturellement, le cousin de James, Rab Allan, est devenu son premier acolyte musical. « Nos mères sont jumelles mais ne se ressemblent pas comme deux gouttes d'eau, précise James, car l'une est blonde aux yeux bleus, et l'autre est brune aux yeux marrons. Rab et moi avons grandi ensemble. Un jour, quelqu'un lui a offert une petite guitare classique. Et on a commencé à jouer ; on était un peu les Everly Brothers de Glasgow. »
Paul Donoghue, le bassiste de Glasvegas, était dans la même école que Rab, alors que Caroline McKay, la batteuse de Glasvegas, travaillait dans une friperie que fréquentait James. « On est d'abord devenus amis. On l'aurait crue sortie d'un film : elle avait un look à jouer dans un groupe et pourtant, elle n'avait jamais touché à une batterie. A l'époque, on se réunissait tous chez Caroline et on restait là, à écouter des disques et à passer du bon temps ensemble. On écoutait surtout des morceaux qu'on n'entendait jamais en boîte... du style Jerry Lee Lewis, Suicide, Dion & the Belmonts. On a d'abord acheté une boîte à rythmes et on lui a confié un instrument. De mon côté, j'ai commencé à écrire des textes. On faisait ça pour s'amuser. »
Très vite, James a enregistré ses premières démos maison, « sur un petit ordinateur assemblé avec des bouts de ficelle », et Denise, la sœur de James, s'est lancée dans le management de la jeune formation. « Elle n'avait jamais travaillé dans l'industrie de la musique. Elle a été notre première fan, convaincue que nous allions parcourir le monde. »
L'un des premiers concerts de Glasvegas, au King Tut's Wah Wah Hut de Glasgow - une salle d'une capacité de 300 places, réputée dans tout le Royaume-Uni comme étant un tremplin pour jeunes talents et où se sont produits, à leurs débuts, des artistes tels que Oasis, Radiohead, Beck ou Travis - n'a pas échappé au magnat britannique de la musique et prescripteur de tendances, Alan McGee, qui a vu en Glasvegas le groupe « le plus prometteur depuis Jesus and Mary Chain ». Il a d'ailleurs offert à Glasvegas sa première apparition télévisée, dans son émission « Death Disco TV ». « Nous sommes passés à la vitesse supérieure après avoir joué à la soirée "Death Disco" d'Alan dans une boîte de Londres, se souvient James, et nous avons commencé à sentir un enthousiasme réel lors de nos concerts. »
Glasvegas a sorti son premier single maison, Go Square Go!, le 30 octobre 2006. Le titre suivant, un 45-tours en édition limitée sorti en 2007, Daddy's Gone, a été élu deuxième Meilleur single de l'année par le magazine NME. Peu après la sortie du troisième single en édition limitée du groupe, It's My Own Cheating Heart That Makes Me Cry, le jour de la Saint-Valentin 2008, Glasvegas a remporté le Philip Hall Radar Award, un prestigieux prix décerné aux jeunes talents par le personnel de NME, lors des Shockwaves NME Awards 2008.
Glasvegas est arrivé quatrième du classement Sound of 2008 du site BBC News, où les 10 meilleurs jeunes talents britanniques sont élus, chaque année, par quelque 150 compositeurs, éditeurs et journalistes du Royaume-Uni. Pour la BBC, « Glasvegas s'inspire du rockabilly et de la pop des années 1950 et 1960, avec des guitares saturées lancinantes comme toile de fond, créant un mur sonore caractéristique, comme si Jesus and Mary Chain jouait la bande originale de Grease. »
Glasvegas a passé la plus grande partie de l'année 2008 à bâtir sa réputation pour devenir l'un des groupes britanniques les plus appréciés sur scène. Les places pour leurs concerts en Ecosse se sont toutes vendues en moins d'une semaine, tandis que la presse musicale britannique est tombée en pâmoison devant les prestations scéniques de Glasvegas, notamment lors des prestigieux festivals de Glastonbury (en Angleterre) et T In The Park (en Ecosse).
Début 2008, Glasvegas est parti aux Etats-Unis pour enregistrer son premier album aux Brooklyn Recording Studios. L'album comporte notamment de nouveaux enregistrements de ses tout premiers titres, Daddy's Gone et It's My Own Cheating Heart That Makes Me Cry, en plus de nouveaux morceaux comme Geraldine, le premier single issu de l'album. Sorti le 16 juin au Royaume-Uni, Geraldine s'est placé en seizième position des charts britanniques et en tête du classement des singles établi par le magazine NME.
Glasvegas s'ouvre sur le long larsen rythmique et orchestral de Flowers & Football Tops, une chanson écrite par James après le meurtre raciste du jeune Kriss Donald, âgé de 15 ans, en mars 2004. « Parfois, quand on lit les journaux ou qu'on regarde la télévision, on ne peut s'empêcher de se mettre à la place des gens qui vivent un tel malheur, explique James. La chanson parle de l'horreur de voir un gamin quitter la maison un soir et ne plus jamais revenir. J'ai vu une photo de sa mère dans le journal, et j'ai tenté de m'imaginer comment une mère pouvait supporter cela. Personne ne voudrait infliger une épreuve si douloureuse à sa mère. »
« Avec Geraldine, j'ai voulu écrire un poème sur une personne éprouvant de la compassion pour les autres, alors que Go Square Go! aborde la pression que les parents exercent sur leurs enfants... comme les parents qui incitent leurs enfants à se battre et à ne pas rentrer à la maison. »
Polmont On My Mind raconte l'histoire d'un adolescent emprisonné à Polmont, le plus grand centre de détention pour délinquants juvéniles d'Ecosse, et décrit « à quel point le destin peut être cruel et changer votre vie à jamais ». James explique que Daddy's Gone parle de lui : « J'y raconte que désormais, je veux mettre de l'ordre dans ma vie. Je ne veux pas en arriver à avoir des regrets, car les regrets sont destructeurs pour chacun d'entre nous. »
Sur Stabbed, l'un des morceaux les plus saisissants de Glasvegas, James lit un poème original sur les « peurs courantes », sur fond d'interprétation subtile et intense de la Sonate au clair de lune de Beethoven par le compositeur américain Paul Cantelon (par ailleurs compositeur des bandes originales du Scaphandre et le Papillon et de W., d'Oliver Stone), le mari d'Angela McCluskey, amie de James, qui chante avec les Wild Colonials. « Pour moi, c'était du pur heavy métal, note James. On colle le label "heavy métal" à des morceaux qui ne sont en fait que des imitations frelatées. Pour moi, le heavy métal, cela peut aussi bien être du Johnny Cash sur une guitare acoustique. »
Pour James, Rab, Paul et Caroline, Glasvegas est un état d'esprit. « On s'entend bien, on s'adore, précise James. Comme on est avant tout des amis, les bases de nos relations sont solides et l'on peut supporter les nombreuses pressions. Ça, c'est génial, c'est ce que je souhaitais. Je m'épanouis bien plus en jouant dans une formation rock que dans une équipe de foot ».
James nous a avoué que pour lui, la meilleure chanson de tous les temps est Be My Baby... « Elle est aussi proche de la perfection qu'il est possible de l'être. » Glasvegas s'en approche également.