Depuis les années 80, Etienne Bossut fabrique des « images-objets ». Il met au centre de son travail un mode de production ancestral de la sculpture qui est celui du moulage, mais reformulé et déplacé : de simple processus de fabrication, la technique devient ici essentielle, support d'une réflexion plus globale sur l'art, sur la sculpture.
Bidons, voitures, skis ou peintures monochromes, objets en tout genre empruntés au quotidien autant qu'au monde de l'art sont moulés dans la résine, copies fidèles mais pas tout à fait identiques.
En transformant les objets du monde industriel en répliques ambiguës, Etienne Bossut introduit le trouble et le doute dans le regard du spectateur ; il l'amène à se poser la question du statut de l'objet et de sa représentation.
Pour l'exposition Laocoon(s), Étienne Bossut présente trois œuvres dans le Hall de la Chapelle et dans l'Hôtel Biron : Laocoon, Grand Laocoon et Laocoon translucide, produites à partir d'une série de moulages du fauteuil Orgone dessiné par le designer australien Marc Newson.
Variations translucides ou multicolores autour du thème antique du Laocoon, les sculptures sont construites par empilement des moulages, pour donner naissance à une forme en spirale. Évocations de la mythologie avec la figure du serpent qui tue les fils de Laocoon, ces œuvres font également référence à l'histoire de la sculpture à travers le fameux groupe antique du Laocoon conservé au musée du Vatican. La sensualité et l'énergie des formes dégagées par ces Laocoon(s) sont à relier au nom d'Orgone, emprunté à la terminologie du psychiatre autrichien Wilhelm Reich (1897-1957), qui désigne « une énergie cosmique fondamentale », réinterprétation critique de la libido freudienne par cet ancien élève de Sigmund Freud, entré en désaccord avec lui au début des années 30.
Rodin et Freud, passionnés d'antiques, ont tous deux travaillé sur le groupe antique et sur la figure mythique du Laocoon ; Rodin a d'ailleurs dessiné celui qui, montré à la fin du parcours de l'exposition, constitue un très beau fil d'Ariane menant vers les Laocoon(s) contemporains.
Icônes pop, présences étranges, les Laocoon(s) d'Étienne Bossut interpellent les visiteurs de « La passion à l'œuvre » en leur proposant un autre regard sur la sculpture. Vincent Pécoil, dans Petits Dessins écrit à leur propos : « A l'imitation de l'antique se serait ainsi substitué un autre paradigme reproductif, propre à l'ère industrielle : l'imitation de soi (par clonage ou production en série), auto-mimésis, et dont le Laocoon [...] constitue le dernier exemple en date. »