À l’Hôtel Beaujon, Albano Afonso et Emmanuel Lagarrigue présentent des projections lumineuses et une installation sonore en dialogue avec les interventions des artistes présentées à la Mairie du VIIIe arrondissement.
La projection d'Albano fait écho à une série de photographies et vidéos antérieure que l'artiste a intitulée Fazendo Estrelas (En faisant des étoiles). En même temps que l'artiste propose de «faire des étoiles», ses moyens pour y parvenir annoncent l'impossibilité de les recréer au sein du paysage urbain des grandes métropoles. Si cette série relève de l'utopie, elle n'en est pas moins évocatrice d'une réalité contemporaine, tant à São Paulo qu'à Paris. Car autant dans ces villes que comme dans bien d'autres, l'absence de la vision poétique des astres est d'ordinaire manifeste. Il n'est pas anodin que São Paulo - ville aux dimensions démesurées et où l'horizon est caché par l'architecture proliférante - soit l'endroit où l'artiste a réalisé pour la première fois cette série de vidéo et de photographies. Avec cette série protéiforme, Afonso évoque la mutation du paysage urbain contemporain, due entre autres au récent avènement au Brésil de l'ère post-industrielle.
Au centre de la cour carrée de l'Hôtel Beaujon, l'artiste Emmanuel Lagarrigue présente une pièce inédite intitulée There Are More Things, mêlant son et lumière à l'intérieur d'un cube de 2m², construit en cornière d'acier. Rappelant des œuvres de Tony Smith, Donald Judd ou Larry Bell, Laguarrigue ouvre le champ des possibles en questionnant une forme éprouvée par l'héritage du minimal art. Que reste-t-il de ces recherches plastiques de nos jours, outre les critiques de Michael Fried, pour qui l'objectivité poussée à son paroxysme par ce courant artistique témoigne de la volonté d'instaurer «un nouveau genre de théâtre»?
Pour Emmanuel Lagarrigue, cette forme dessine le périmètre suscitant chez le spectateur une «sensation de langage», comme le souligne Emmanuelle Lequeux pour qualifier le dense et récent parcours de l'artiste. Cette sensation provient dans There Are More Things du petit cube en suspension au centre du grand cube. Les six haut-parleurs sur ses facettes semblent converser avec le public bien que le langage de chaque haut-parleur ne soit pas compréhensible aisément. Aux bruissements et voix des compositions sonores s'ajoute l'intense couleur jaune jaillissant de la partie supérieure du cube, perturbant ainsi la perception immédiate de l'œuvre. Donnant l'illusion de rayons solaires, les réglettes fluorescentes brouillent d'une certaine manière la projection des étoiles d'Albano. La perception tronquée des deux astres nous renvoie à notre difficulté à appréhender leur existence simultanée dans un même espace-temps. Ne coexistent-ils pas malgré notre perception réduite?
Que ce soit avec les dispositifs et les installations de Terres et Cieux, Fazendo Estrelas ou There are more things, les procédures cartésiennes de perception sont ici mises à plat. En s'intéressant à ces problématiques liées aux enjeux de la perception, les quatre artistes invités à cette édition du Festival Inter-cambio révèlent et prétendent éclipser les limites de notre capacité d'appréhension du réel.