Philippe IV était fort laid, il n'y a rien à dire. Ses filles aussi. Leurs longs visages poupons aux lèvres rentrées ne donnent guère envie de les regarder... À moins qu'ils ne soient peints par Diego Velázquez. Car s'il y a bien une chose que le peintre maîtrise, c'est la représentation exceptionnellement vivante des visages. On se perd dans la contemplation d'un regard, de la transparence d'une tempe, de l'arc d'un sourcil... Inutile de regarder le reste du tableau, il est même parfois à peine esquissé, tout est dans le visage.
La rétrospective du Grand Palais, toute première exposition du peintre espagnol en France, est donc l'occasion de plonger ses yeux dans les regards du pape Innocent X, du roi Philippe IV ou de l'infant Baltasar Carlos. Peintre du pouvoir mais avant tout artiste génial, Velázquez a peint avec la même attention comédiens et seigneurs, esclaves et maîtres.
L'histoire artistique de Velázquez débute l'année de ses 12 ans, lorsqu'il fait ses premiers pas dans un atelier de peinture : l'Espagne étant alors en plein Siècle d'Or, l'argent ne manquait pas et il fût encouragé par ses parents à rejoindre cette voie pourtant bien souvent décriée. On peut voir quelques unes de ses premières œuvres religieuses ainsi que celles de ses contemporains, Italiens en voyage ou Espagnols attentifs, témoignages éloquents d'échanges constants entre les peintres. Un magnifique Saint-Jean Baptiste (1617-1619) du peintre italien Bartolomeo Cavarozzi est d'ailleurs présenté, montrant le tout nouvel intérêt naturaliste pour la représentation des feuilles de l'arbre, du visage et du corps. Peu après cela, dans la même veine réaliste, on peut voir le premier portrait saisissant de Velázquez : son Portrait d'homme (vers 1623) est incroyablement vivant, l'œil est brillant, la peau légèrement luisante, le menton graisseux. Va-t-il se mettre à bouger ? En tout cas, le génie est là, presque palpable.
De grandes scènes de groupes sont ensuite présentées, relevant toutes d'un goût pour les expressions du visages et les poses théâtrales : sa petite Rixe de soldats devant l'ambassade d'Espagne introduit les tableaux monumentaux, merveilleuse construction très vivante, où l'attitude provocante ou craintive des soldats est peinte dans un charmant camaïeux de bruns et de verts. Puis, on s'attarde devant les magnifiques toiles de La Forge de Vulcain et La Tunique de Joseph (toutes de 1630).
On croise ensuite La Vénus au Miroir (1647-1651), présentée avec génie dans une alcôve ronde et face à l'Hermaphrodite endormi (IIe siècle ap.
J.-C.) du Musée du Louvre. Moment de grâce... Enfin, une longue galerie de portraits, puissants comme roturiers, achève de nous séduire. Notons que les portraits de personnes non nobles permettaient à Velázquez de sortir des codes de représentation et de s'amuser un peu plus. Ainsi, Velázquez donna ses plus beaux portraits à l'histoire de l'art espagnol, et c'est avec une joie presque sensuelle que le Grand Palais le présente dans une muséographie faite d'ombres et de lumières tamisées. Une belle émotion pour le printemps parisien.
Informations pratiques :
Site internet : Diego Velázquez au Grand Palais
Du 25 mars au 13 juillet 2015
Lieu : Grand Palais
Horaires : 10h-20h, nocturne le mercredi jusqu'à 22h, fermé le mardi
Tarifs : 13€, 9€ tarif réduit, gratuit -16 ans et RSA
Images : Portrait de Philippe IV (vers 1654)
La Forge de Vulcain (vers 1630)
La Vénus au Miroir (1647-1651)
Attention, notre dernier passage remonte à plus de 4 ans, le cadre et l’expérience ont pu évoluer.
Dates et Horaires
Du 25 mars 2015 au 13 juillet 2015
Lieu
Grand Palais
3 Avenue du Général Eisenhower
75008 Paris 8
Accès
M° Champs-Elysées Clemenceau
Tarifs
16-25 ans, demandeurs d’emploi, famille nombreuse : 9€
plein tarif : 13€
Plus d'informations
Horaires : 10h-20h, nocturne le mercredi jusqu'à 22h, fermé le mardi