Ah, la baguette française ! Symbole par excellence de la France gastronomique, elle semble avoir toujours existé… et pourtant, son histoire est bien plus récente (et controversée) qu’on ne le pense. Ce pain emblématique, qu’on imagine ancien, trouve ses racines dans le Paris du début du 20ᵉ siècle, fruit d’influences viennoises, de contraintes légales et d’un besoin d’efficacité urbaine.
La baguette française est bien plus qu’un simple pain : c’est l’aboutissement d’une évolution historique, infusée de mythes, façonnée par des législations, préservée par l’artisanat, et aujourd'hui célébrée comme emblème culturel par le monde entier. Un mets pourtant modeste mais chargé d’histoire que l'on vous dévoile sans plus tarder !
Contrairement aux idées reçues, la baguette n’est pas née au Moyen Âge. Les pains d’autrefois étaient plutôt ronds, denses, lourds, parfois pesant plusieurs kilos. Il faut attendre le début du 20ᵉ siècle pour que la baguette telle qu’on la connaît aujourd’hui commence à se répandre à Paris.
On évoque souvent une origine viennoise, introduite en France dans les années 1830 par un certain August Zang, un Autrichien qui ouvre une boulangerie à Paris où il utilise les premiers fours à vapeur. Ce type de cuisson permet d’obtenir un pain plus aéré, avec une croûte fine et croustillante, différent des pains rustiques français et apprécié par l’aristocratie. Mais ce n’est qu’un début.
Avec l’abolition des taxes sur le pain blanc, ce produit luxueux devient accessible aux travailleurs : le pain viennois s’allonge peu à peu, jusqu’à prendre la forme symbolique d’une baguette, conservée dans des paniers d’osier conçus pour maintenir son profil allongé.
Plusieurs récits mythiques contribuent à la légende de la baguette. L'un d’eux prétend que Napoléon Ier aurait exigé un pain facile à porter pour ses soldats, changeant les boules rondes en bâtons fins peu encombrants. Une autre version situe l’invention sur les chantiers du métro parisien au début du 20ᵉ siècle, où l’on aurait interdit les couteaux pour éviter les bagarres entre ouvriers : la baguette, rompue à la main, devient une solution pratique.
Bien que la forme allongée du pain existe déjà sous le nom de “flûte”, c’est autour des années 1920 que la baguette commence à s’imposer dans les boulangeries parisiennes. Plusieurs facteurs expliquent son succès.
L’un des plus souvent cités est une loi de datée de 1919, appliquée en 1920, interdisant aux boulangers de travailler avant 4 heures du matin. Or, pour cuire un gros pain traditionnel, il fallait démarrer bien plus tôt ! La baguette, grâce à sa forme fine, nécessitait moins de temps de levée et de cuisson. Résultat : elle permettait aux boulangers de respecter la loi tout en continuant à fournir du pain frais aux Parisiens, chaque matin.
Le mot "baguette" apparaît formellement autour de 1920 pour désigner ce pain long, fin, croustillant, aux bouts pointus. Parfois mentionné dès 1902 dans des brevets, elle est réglementée par la préfecture de la Seine en août 1920 afin de fixer sa taille (longueur max ~40 cm, poids min ~80 g) et son prix.
Dans les années 1930, la baguette gagne en qualité et en popularité. À l’époque, on l’achète deux fois par jour, car la baguette rassit vite : elle est sans additifs et sans conservateurs ! Après la Seconde Guerre mondiale cependant, sa fabrication s’industrialise - standardisation, usage de farines moins nobles, et diffusion massive.
La reconnaissance officielle commence en 1993, avec le décret n° 93‑1074, imposant quatre seuls ingrédients — farine, eau, sel, levure ou levain — et interdisant les additifs ou agents conservateurs. Le pain doit être entièrement produit sur place (pétri, façonné et cuit dans la boulangerie), ce qui garantit une baguette artisanale conforme aux traditions françaises.
En novembre 2022, l’UNESCO inscrit la culture et le savoir‑faire de la baguette de pain française au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, soulignant son rôle dans le patrimoine vivant de la gastronomie française et la vie quotidienne des Français.
Symbole de simplicité, de partage et de convivialité, elle représente l'art de vivre à la française, souvent mentionnée aux côtés du vin et du fromage. Chaque jour, des millions de baguettes sortent des boulangeries, attestant d’un attachement gastronomique profondément ancré dans les habitudes et dans l’imaginaire collectif.
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