Les acteurs ne sont pas connus, l'action se déroule en Serbie, le prénom du réalisateur est imprononçable. Ce ne sont pas des arguments suffisants pour bouder une œuvre cinématographique. Un infirme et un noir ont explosé le boxoffice en 2011, Nicolas Winding Refn, un autre réalisateur, défi lui aussi les lois de l'élocution et dernièrement, un homme et un tigre ont cohabité pendant 2h20 sur un radeau, pourquoi les homosexuels de Belgrade ne pourraient pas avoir leur heure de gloire ? Je suis partie du mauvais pied, mais simplement pour vous démontrer que les surprises sont souvent là où on ne les attend pas. D'autant que Dragojevic (appelons-le par son nom de famille), signe là un film d'une remarquable intensité. Après trois ans de travail pour parvenir à ses fins, c'est le moins que l'on puisse faire : le déplacement dans une salle de ciné pour prendre sa première claque de l'année.
Au cinéma on peut rire de tout : sans fausse pudeur sans excessive candeur. Alors on rit de bon cœur. Même si au fond on sait que c'est triste. C'est bien là toute la beauté de cette Parade, nous faire croire qu'il s'agit d'un film alors que c'est bien d'avantage. C'est un condensé de la stigmatisation dont font l'objet les homosexuels dans cette région, c'est une rapide prise de conscience que là-bas, on n'a pas les mêmes droits qu'ici, et quand je parle de droit, Dragojevic lui, parle en fait de liberté. La liberté d'être soi-même. Il faut se l'accaparer, se battre, au propre comme au figuré, tout ça pour vivre pudiquement et timidement dans la peur continuelle de se faire insulter, tabasser et humilier. Voilà pourquoi il faut aller voir ce film, non pas pour montrer que nous aussi sommes choqués par la différence mais choqués par ceux qui la renient, enfermés dans leur carcan, pensant avoir l'absolution divine en condamnant celui qui ne lui ressemble pas.
La Parade est une comédie grinçante et bouleversante qui fait passer le spectateur par différentes phases très différentes. D'abord surpris par les personnages qui nous semblent tous plus caricaturaux les uns que les autres, on tombe ensuite amoureux d'eux, et puis et puis...Vous découvrirez bien assez tôt que je me tais dans votre propre intérêt mais que j'avais raison de vous envoyer rejoindre la Parade.