Loin de l'univers masculin macho du football, Vianney Lebasque nous offre un premier long-métrage à la fois esthétique et authentique, destiné à un large public. Et pour cause, si le sport en est la toile de fond, le réalisateur ne manque pas d'aborder d'autres thèmes et d'interroger le spectateur sur ses rêves (sacrifiés ?). Les Petits Princes lui a ainsi valu Le Prix Cinéma 2013 de la Fondation Diane & Lucien Barrière qui récompense et promeut chaque année, de nouveaux talents du cinéma. Mais laissons plutôt Vianney, Reda et Ralph nous en dire d'avantage...
L'équipe du film sera présente à la première séance de l'UGC Ciné Cité les Halles (Forum des Halles - Niveau -3, 75001 Paris) le 26 juin à 9h00 !
013 M.E.S. PRODUCTIONS - RHAMSA PRODUCTIONS – EUROPACORP – SCORE AGENCIES
- Le foot, le centre de formation, ce sont des univers que tu connais, pourquoi avoir intégrer une problématique aussi dramatique à ton premier film ?
Vianney Lebasque : La comédie dramatique, c'est ce que j'aime au cinéma en tant que spectateur. J'aime l'idée d'insérer un élément dramatique dans une approche faite avec des pointes d'humour à l'intérieur. J'aime les émotions au cinéma, j'ai envie de faire rire, de faire pleurer, à travers des personnages auxquels on s'attache. Ce n'est pas tant du drame d'ailleurs que de la sensibilité, et c'est justement ces émotions que j'ai envie de transmettre au cinéma.
- Lorsque tu as commencé à entrevoir les grandes lignes de l'histoire, tu as toujours su/voulu que ton personnage JB, aille jusque bout de sa passion ?
Vianney Lebasque : Au tout début on était partie sur une chronique d'adolescents, un film dans un centre de formation. L'idée de la malformation cardiaque ne nous est venue que progressivement. Il nous manquait une intrigue forte et on s'est dit que c'était ça le truc fou que pourrait faire un adolescent pour accéder à son rêve, que c'était suffisamment fort pour mérité d'être raconté. En plus, c'est quelque chose d'actualité donc c'était vraiment deux bonnes raisons pour le faire.
- Reda et Ralph vous jouez deux personnages clés de l'histoire. El Malah est d'ailleurs le seul à connaître le secret de JB, tu penses que tu aurais réagi différemment dans la vraie vie ?
Ralph Amoussou : Je pense que j'aurai gardé le secret. JB c'est avant tout une force de la nature, c'est quelqu'un qui a conscience de ce qu'il a mais qui sait aussi parfaitement ce qu'il veut. Garder son secret, c'est le respecter. Il faut laisser les gens accéder à leurs rêves, s'ils sont prêts à se sacrifier pour leurs rêves, c'est encore plus beau.
- Reda tu joues le rôle de son coach, tu n'apprends son problème qu'à la fin du film, mais si tu l'avais su il ne t'incomberait pas de révéler ce secret médical pour ainsi dire ?
Reda Kateb : Si bien sûr, et d'ailleurs dans une scène du film je lui dis qu'il y a plein d'autres choses possibles, que ça ne vaut pas le coup et lui me renvoie à mes propres paroles " il faut être prêt à tout donner ". Mais je pense que le rôle d'un éducateur, d'un adulte, c'est d'aider les jeunes à aller au bout de leurs rêves bien sûr mais aussi de prendre soin d'eux et donc de mettre la limite à un moment donné et d'arriver à dire qu'on ne prend pas le risque de le laisser jouer avec sa vie pour faire du foot.
- Vous n'avez jamais craint que ce soit un parti pris un peu dangereux aux yeux du public que JB aille au bout de ses rêves, quoi qu'il lui en coûte et surtout quoi qu'il puisse lui en coûter la vie ?
Vianney Lebasque : C'est justement ce que je trouve intéressant au cinéma, pouvoir toucher à des émotions qui sont assez subtiles. Je pense notamment à cette fin, je tenais beaucoup à ce qu'elle reste ouverte. Ce qui est important c'est que d'un côté, on est heureux qu'il accède à son rêve, d'un autre, on a peur pour lui. Ce mélange suscite une émotion particulière. C'est vraiment ce que j'essaie de faire dans une histoire, rechercher des émotions douces-amères, c'est à l'image du film. Après, il appartient à chacun de lui donner raison ou pas, de se faire sa propre opinion sur la morale de cette histoire...
Reda Kateb : Le cinéma n'est pas là pour montrer la voix d'un chemin à suivre. Ce qui est intéressant au niveau dramaturgique c'est qu'on a un héros qui a un talon d'Achille, et malgré ce handicap, il va aller au bout de quelque chose. Que ce soit dans le cinéma, la littérature ou le théâtre, il y a énormément de héros, et à partir de moment où il y a quelque chose de bancal dans l'histoire, il y a une friction, une lutte, ça se traduit forcément par quelque chose de très fort, surtout au cinéma. Mais je pense qu'il faut faire confiance à l'intelligence des spectateurs. Lorsqu'on leur montre des personnages, on ne leur montre pas un chemin à suivre pour eux-mêmes. Quand ils vont au cinéma, c'est pour voir une histoire, même s'il y a des choses dans lesquelles ils peuvent se reconnaître, c'est le but aussi, mais il ne faut pas que ce soit une identification totale sinon on en vient à Tueurs nés. Après effectivement il y a toujours des gens qui font une application premier degré d'une histoire qu'ils ont vu, mais c'est peut-être un spectateur sur quelques millions...
Ralph Amoussou : En fait ce film c'est un questionnement : où j'en suis, par rapport à ma vie, selon l'âge que j'ai. A 17 ans j'avais ce rêve là, j'en ai 27 où j'en suis, j'en ai 37 etc... Les Petits Princes c'est pas tant un film de foot finalement. Ici on peut remplacer le foot par n'importe quel domaine : art, sport... c'est pareil. Ce film c'est surtout une question pour tout le monde.
- Lorsqu'on sort de la salle, on se demande si c'est tiré d'une histoire vraie. C'est volontaire ?
Vianney Lebasque : Je ne cherchais pas particulièrement à créer l'ambiguïté à ce niveau-là. Les Petits Princes c'est aussi une chronique sur plusieurs adolescents. Je voulais attirer l'attention sur la réalité de ces centres de formation que le public ne connait pas forcément. Les fortunes diverses par rapport aux gens qui les intègrent, leurs différentes trajectoires... Pour montrer que même si se sont des surdoués à cet âge-là, ça ne veut pas dire pour autant que leur destin est tout tracé. C'est un milieu extrêmement difficile, c'est pour ça que j'ai tenu à cet épilogue qui révèle effectivement les trajectoires de chacun des personnages.
- On ressent un réel équilibre entre esthétisme et authenticité, on sent qu'il y a un vrai travail en amont, il a fallu combien de temps pour obtenir un tel résultat ?
Vianney Lebasque : Il a nécessité beaucoup de temps d'écriture déjà, après il y a eu un casting qui a été fait bien en amont pour les personnages des adolescents... C'est difficile de chiffrer...
Ralph Amoussou : et avant le tournage il y a trois mois trois fois par semaine de préparation physique, pendant l'hiver, en plein air, sous la pluie...
Vianney Lebasque : ça a demandé un travail particulier parce qu'il y a du sport mais chaque film à sa complexité. Pour d'autres ça va être la construction d'un décor, ça va être un film d'époque etc... Nous la complexité, c'était ça.
- Tu nous disais tout à l'heure Ralph que Les Petits Princes n'est pas un film de foot, si ce n'est pas un film de foot, en trois mots c'est un film de quoi ?
Ralph Amoussou : C'est la vie, tout simplement, avec les exemples et les contre-exemples de la réussite. Il y a JB qui rêve d'être footballeur, Sophiane (Adel Bencherif) qui est un grand joueur et un exemple pour tous les jeunes et il y a Reza (Reda Kateb), qui à un moment donné était dans la situation de JB, qui aurait pu réussir comme Sophiane et qui est devenu entraîneur. C'est ce que t'aurais pu être et ce que tu es devenu.
Reda Kateb : Un conte initiatique
Vianney Lebasque : C'est un film sur l'adolescence de façon générale, qui parle de ce moment où on a un rêve : est-ce qu'on doit le poursuivre malgré la réalité du monde adulte ou l'abandonner ? Ça parle de ce combat et jusqu'où chacun est prêt à aller pour accéder à ce dont il rêvait quand il était enfant. Pour résumer : adolescence, rêve et combat.