Après une probante victoire sur le FC Barcelone de Yohann Cruyff (3-2 au total avec des buts de Weah, Raï et Guérin) en quart de finale de Ligue des Champions 1994-1995, le PSG doit affronter le grand Milan AC pour une place en finale. Battu (0-1) chez lui, Paris doit absolument gagner pour espérer décrocher son billet pour la finale. Ce qui aurait dû être une motivation pour les Rouge et Bleu les a, en fait, paralysés.
Au soir du 5 avril 1995, peu après le succès du Milan AC au Parc des Princes grâce à un but tardif de Boban (91e), Bernard Lama fait l’analyse de la rencontre avec les personnes présentes dans les entrailles de l’enceinte parisienne. Bien que sa performance personnelle n’ait pas été exempte de tout reproche (on se rappelle du dégagement raté, atterrissant directement sur Savicevic), le gardien de la capitale est furieux : la prestation de son équipe n’a pas été digne des exploits précédents. Pour lui, c’est la tactique frileuse adoptée par Luis Fernandez qui a précipité les Parisiens dans leur chute. Pourtant, quelques heures avant la rencontre, l’entraîneur du PSG se voulait rassurant. "Le PSG peut se qualifier pour sa première finale européenne. Ce n'est pas perdu d'avance. En début de saison, quand le club italien n'allait vraiment pas bien, nous aurions eu 80% de chances de nous qualifier. Mais actuellement, c'est plutôt du 51% en leur faveur", pronostiquait-il (1). Il annonçait même que son équipe allait prendre des risques. Il y avait, semble-t-il, un écart entre le discours public et le discours privé du vestiaire.
"Nous avions la frousse, oui, cette fébrilité nous a tous envahis, moi le premier lorsque j’ai mal négocié mes premiers ballons, mais dis-moi, qui nous avait demandé de balancer de très longs ballons en direction des attaquants ?" (2), lâche le Guyanais. La peur, voilà la ce qui explique le résultat final. "Et qui encore nous avait conseillé de passer par-dessus le milieu de terrain milanais, de jouer à l’anglaise ? Nous avons eu peur, tout simplement parce que Luis Fernandez a eu peur. Peur de la bataille du milieu, et c’est pourquoi on a préféré faire jouer Raï, plutôt que Valdo" (2) explique-t-il, remonté. Le doute sur la titularisation de l'un ou l'autre des deux hommes préoccupe la presse (jusqu'en Belgique) le jour du match. C'est Valdo qui recueille le plus de voix : "L'hésitation concerne Raï et Valdo. Jusqu'au début de cette semaine, les spécialistes estimaient que la présence de Valdo s'imposerait d'elle-même" (3).
Alors voilà, insatisfait de son équipe, Fernandez fait quelques changements en cours de première période : Llacer recule, Le Guen remonte au milieu et le duo Bravo-Guérin est à la récupération. Cela ne suffit pas à faire plier le Milan, surtout que, comme le disait Bernard Lama, Valdo n’est pas aligné alors qu’il était au cœur du système qui avait permis de battre Barcelone. Malheureusement, ce coaching ne suffit pas. Pourtant, à entendre les Parisiens, il y avait la place pour faire beaucoup mieux. "Chez nous, à l'aller, nous avons largement fait jeu égal avec Milan. David Ginola avait tiré sur la barre et nous avions dominé avant d'être pris en contre à la dernière minute" (4), déplore Vincent Guérin. De son côté, Fernandez ne se pose pas la question de ce qui n’a pas été dans son équipe. "Nous ne méritions pas cette défaite" (4) se contente-t-il de répéter.
Le match retour du 19 avril devait donc être l’occasion de changer ce qui n’avait pas marché. Mais l’ascendant psychologique allait avoir raison des Rouge et Bleu. Abattus, ceux-ci encaissent deux buts de Savicevic (21e, 68e) sans vraiment paraître capable de se révolter. "Ce retour a été très dur pour nous, souligne Vincent Guérin. En fait, on n'y croyait plus beaucoup. C'est dommage car je persiste à penser qu'il y avait un coup à jouer" (4) analysait Vincent Guérin quelques années après. Telle est l’histoire du PSG cette année là : Paris ou l’art de perdre au mental.
(1) Libération, édition du 05/04/1995.
(2) PSG : histoires secrètes [1991-1998], Pierre-Louis Basse, Paris : éd. Solar.
(3)"Raï ou Valdo : Luis Fernandez entretiendra le mystère jusqu'au bout", Le Soir, édition du 05/04/1995.
(4) "Le douloureux souvenir de 1995", Le Parisien, édition du 14/02/2001.