Coronavirus : 90 acteurs du secteur du bar interpellent le gouvernement dans une lettre ouverte

Par Caroline de Sortiraparis · Photos par Cécile de Sortiraparis · Publié le 28 août 2020 à 14h59
Alors que la France fait face à un rebond de l’épidémie de Coronavirus et que l’été touche à sa fin, la start-up Privateaser publie une lettre ouverte au gouvernement, signée par 90 acteurs du secteur du bar, et co-écrite avec les syndicats. Toutes et tous réclament plus de moyens alors que de nombreux responsables de ces établissements se « retrouvent face à un dilemme économique insoluble ».

« Ne laissons pas mourir nos bars, ces lieux de vie que nous aimons tant » c’est le message que souhaite faire passer Privateaser dans cette lettre ouverte adressée le 28 août 2020 à différents membres du gouvernement, mais aussi à la maire de Paris Anne Hidalgo.

Privateaser, c’est cette plateforme de privatisation et de réservation gratuite de bars et restaurants en France. Depuis le début de la crise du Coronavirus, la start-up a beaucoup échangé avec les responsables de bars et constate que la situation devient catastrophique pour beaucoup d’entre eux et, ce, malgré les efforts entrepris jusqu’ici pour aider à la sauvegarde de ce secteur.

Les gérants de bars, cafés et débits de boisson ont en effet pu rouvrir, contrairement aux clubs et discothèques, et bénéficier du fonds de solidarité, du prolongement de l'activité partielle, du PGE, sans oublier de l’extension des terrasses maintenue jusqu’au mois de juin 2021.

Mais avec l’arrivée de l’automne, la situation risque de devenir plus compliquée pour de nombreux responsables de bars qui sont, rappelons-le, à 90% des indépendants. Comme le souligne Nicolas Furlani, co-fondateur de Privateaser, « les bars et les restaurants à ambiance musicale (RAM) font 30% de leur CA avec l'événementiel (fête d'anniversaire, soirée organisée...) ». Mais, en raison du protocole sanitaire actuel et notamment des interdictions de consommer debout et d'accueillir des groupes de plus de 10 personnes en intérieur, ces établissements « ne peuvent même pas atteindre 50% de leur chiffre d'affaires habituel ».

Dans cette lettre ouverte, Privateaser évoque aussi la possible fermeture des bars en soirée à Paris, comme cela est désormais le cas dans les Bouches-du-Rhône. « En cas de fermeture imposée à 23h, ce nombre (chiffre annuel habituel, ndlr) tomberait à 25%, ce qui rend leur ouverture non viable » indique la start-up.

Alors que les frais fixes deviennent de plus en plus difficiles à gérer, le secteur des bars demande donc de l’aide aux décideurs publics. « Nous sommes convaincus qu'ensemble, nous pouvons trouver des solutions concrètes et plus efficaces que la fermeture à 23h, sans quoi 50% des bars fermeront d'ici la fin de l'année, et avec eux, plus de 50 000 emplois seraient détruits » insiste les auteurs de cette lettre ouverte.

Privateaser ainsi que les signataires de cette lettre proposent donc des solutions qui permettraient de garder les bars ouverts, tout en garantissant un cadre sanitaire adapté et un modèle économique viable.

Avant tout, ils souhaiteraient retrouver un taux d'occupation proche de 80%. Pour ce faire, les responsables de bars, cafés et débits de boisson se disent prêts à procéder par exemple à des tests de température, à distribuer gratuitement aux clients des masques, ou encore à proposer aux clients de noter leurs coordonnées pour qu'ils soient contactés en cas de suspicion Covid-19 dans leur établissement... comme c’est déjà le cas en Allemagne ou en Belgique.

Autres solutions évoquées ? Diminuant les loyersalléger temporairement la TVAdécaler de nouveau les échéances de prêt ou encore associer les assureurs afin d'assurer un cadre économique viable. 

Reste à savoir à présent ce que réservera le plan de relance du gouvernement pour le secteur des bars. En attendant, par ici pour signer la pétition.

Découvrez la lettre ouverte signée par 90 acteurs du secteur, et co-écrite avec les syndicats et Privateaser :
Ne laissons pas mourir nos bars, ces lieux de vie que nous aimons tant.

Après 3 mois de fermeture administrative, les bars ont pu réouvrir dans toute la France le 15 juin. Nous tenons à vous remercier des efforts qui ont été fait pour participer à la sauvegarde de ce secteur, avec notamment le fonds solidarité, le prolongement de l'activité partielle annoncée jusqu'à la fin d'année, le PGE, et la possibilité de créer ou d'étendre les terrasses, permise par différentes Mairies sur tout le territoire français et autorisées à Paris jusqu'en juin 2021.
Aujourd'hui, à la fin de l'été, nous voulons vous alerter sur la situation catastrophique des gérants de bars, qui se retrouvent face à un dilemme économique insoluble.

Certes, à la différence des discothèques, ils ont pu retrouver un peu d'activité.
Mais seuls les lieux avec une terrasse significative, et autorisée malgré le voisinage, soit environ 30% des bars, ont pu réaliser un chiffre d'affaires proche de celui de l'année dernière ; cela va-t-il durer avec l'automne qui arrive ?

En respectant le protocole sanitaire actuel, ils ne peuvent même pas atteindre 50% de leur chiffre d'affaires habituel ; et en cas de fermeture imposée à 23h, ce nombre tomberait à 25%, ce qui rend leur ouverture non viable. Cette baisse de revenus ne leur permet pas de faire face à leurs frais fixes. Les loyers par exemple peuvent être de l'ordre de plusieurs milliers d'euros et représenter plus de 20% du chiffre d'affaires. L' équation économique des gérants de bar est donc impossible à tenir.

Avant qu'il ne soit trop tard, nous vous demandons de l'aide. Nous vous interpellons, car en tant que décideurs publics, engagés pour les activités culturelles et conviviales, le tourisme ou les PME, nous vous savons attentifs à leur situation. Nous sommes convaincus qu'ensemble, nous pouvons trouver des solutions concrètes et plus efficaces que la fermeture à 23h, sans quoi 50% des bars fermeront d'ici la fin de l'année, et avec eux, plus de 50 000 emplois seraient détruits. Les trois prochains mois sont décisifs.

Nos propositions, pour vous aider à les aider

La raison d'être de cette lettre est de proposer des solutions et d'appuyer des initiatives déjà à l'étude qui permettraient de garder les bars ouverts, tout en garantissant un cadre sanitaire adapté et un modèle économique viable. "Notre volonté est de pouvoir continuer à exploiter notre établissement, sans danger sanitaire", résume un gérant.

Garantir un cadre sanitaire adapté et sécurisant

Il faut trouver des moyens pour que les bars, cafés et débits de boissons puissent retrouver un taux d'occupation proche de 80%, et créer des alternatives à l'obligation de consommer assis, à la limitation des groupes à 10 personnes et surtout à la fermeture à 23h. Cela empêche les clients de profiter de l'expérience attendue dans les bars ; certains organisent alors des fêtes clandestines dans des appartements privés, des hôtels ou dans la rue, sans aucun cadre sanitaire.

En contrepartie, les gérants sont prêts à s'engager sur un protocole plus rigoureux : par exemple :

  • en procédant à des tests de température,
  • en distribuant des masques gratuitement aux clients,
  • en demandant à chaque client entrant dans un bar de se connecter à StopCovid,
  • en imposant la consommation des boissons avec une paille pour éviter d'enlever le masque,
  • en faisant passer un test Covid obligatoire à leur personnel tous les 15 jours,
  • en proposant aux clients de noter leurs coordonnées pour qu'ils soient contactés en cas de suspicion Covid dans leur établissement...

Cette dernière mesure est déjà effective dans plusieurs pays européens ; et avant de l'envisager en France dès lundi comme cela est proposé, il faudrait être sûr des moyens de sa mise en place : est-ce un papier tenu par les serveurs ? doivent-ils effacer les informations au bout de quelques jours ?

Vous le voyez, nous sommes tous prêts, gérants de bars, syndicats, grandes entreprises du secteur, start-ups, à écrire avec vous un nouveau protocole, plus adapté que celui de juin, comme cela a été fait pour les foires professionnelles qui accueillent des milliers de visiteurs.

Assurer un cadre économique viable

1 - Diminuer les loyers. Pour faire face à un taux de remplissage en berne, il est capital de réduire les loyers. Cela pourrait prendre la forme, pour les gérants, d'un crédit de TVA indexé sur le loyer des 12 derniers mois ; ou encore, pour les bailleurs, d'incitations fiscales à réduire les loyers sur les 12 mois à venir.

2- Alléger temporairement la TVA. Plus facile à mettre en place qu'une baisse de taux, nous proposons un dispositif similaire à ce qui a été fait avec les crédits de charges patronales, c'est-à-dire un crédit de TVA égal à 50% de la TVA payée sur les mois de décembre, janvier et février.

3- Baisser les charges patronales. Nous demandons une extension ou une prolongation du dispositif d'exonération de charges déjà mis en place dans le plan Tourisme. Cela favoriserait la survie de ces commerces, la reprise du travail plutôt que la suspension d'activité, et le maintien des "extras", ces CDD fréquents dans l'hôtellerie-restauration.

4-Décaler de nouveau les échéances de prêt. La situation, déjà critique, peut empirer avec la crise sanitaire qui se prolonge. Les gérants ne peuvent pas reprendre le remboursement de leurs crédits dès le 1er octobre. Nous demandons un deuxième décalage, de 6 mois supplémentaires au moins.

5- Développer le chèque numérique. Il s'agit d'une très belle initiative portée par la Région Ile-de-France, pour aider les bars et restaurants à se digitaliser et à s'adapter aux nouvelles habitudes de consommation des clients. Nous demandons que ce projet soit étendu dans toute la France, et mieux communiqué auprès des bénéficiaires : après enquête, moins de 5% d'entre eux sont au courant de son existence.

6- Associer les assureurs : l'Etat ne doit pas être le seul à aider ce secteur. C'est pourquoi nous soutenons l'idée portée par le groupe de restaurateurs Marc Vanhove et Philippe Etchebest d'un Fonds d'Indemnisation géré par les assureurs et garanti par l'Etat afin d'indemniser une partie des pertes d'exploitation de la période Covid, moyennant la mise en place de surprimes lissées sur les 20 prochaines années. Une solution qui permettrait de reconnecter assureurs et gérants avec un système viable financièrement.

A présent, l'important est de réussir à aider les gérants à maintenir un niveau d'activité qui leur permette de survivre à la crise dans la durée. Cela nécessite de travailler conjointement sur un protocole sanitaire adapté au secteur des bars, et d'être beaucoup plus en lien avec les décideurs publics.

Conclusion

Chaque semaine compte pour sauver ces PME, dont les patrons, on le rappelle, sont à 90% des indépendants. Nous espérons que le plan de relance qui sera présenté le 15 septembre prochain ne nous oubliera pas. N'abandonnons pas les gérants de bars, entrepreneurs, passionnés, autonomes, créateurs d'emplois locaux dans les centre-villes, qui dévouent leur vie à la convivialité et à la cohésion sociale.

New York est devenue "Ville morte", décrit avec angoisse l’écrivain James Altucher dans une tribune. Ne laissons aucune ville française le devenir aussi.

Nicolas Furlani, Co-fondateur de Privateaser.

Parmi les co-signataires, on retrouve notamment Laurent Ducatel (gérant de Fût et à Mesure Paris 10), Mathilde Dujardin (cogérante du Jardin 21), Mathieu Girard (gérant de la Poudrière), Edouard Hausseguy (fondateur de Hemblem), Jonathan Kakoun (gérant de Kokoriko), Jonathan Kron (gérant du bar Demory), Leo MacLehose ( CEO d'Allomatch), Elyad Mohammadi (gérant de Code bar), Patrice Puigmail (gérant des bars Belushi's), Malik Rabhi (gérant de La Lucha Libre), Alexis Robert (gérant des bars Chez Bouboule et Gamelle), Willy Sainte-Rose (gérant du FAT.), Pierre-Maire Tanguy (gérant de les Maquereaux), Nivethan Thamiselvan (Social Bar), ou encore David Zenouda (Représentant de UmiH Nuit Paris et du Café A).

Informations pratiques

Site officiel
www.change.org

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