Vers une destitution de Donald Trump, à quelques jours de la passation de pouvoir avec son successeur, Joe Biden ? Une idée qui semble avoir traversé l'esprit de plusieurs ministres Républicains mercredi 6 janvier 2021, selon plusieurs médias (dont The Hill) citant des sources anonymes, après que des sympathisants du Président sortant aient envahi le Capitole pour empêcher le Congrès de certifier les résultats de l'élection présidentielle du 3 novembre dernier.
Une "prise de la Bastille" qui s'est produite après que Donald Trump ait une nouvelle fois soufflé sur les braises et incité ses militants à se rendre au Congrès pour exprimer leur mécontentement quant à "ces élections truquées", comme se plait à dire l'actuel Président. Une situation qui aurait donc poussé ses ministres à envisager d'invoquer le 25e amendement, permettant la destitution du chef de l'État.
Mais que dit exactement cet amendement ? Pourquoi pas une nouvelle tentative d'Impeachment ? Quelle est la différence entre un Impeachment et le 25e amendement ? Plusieurs points sont à souligner... Tout d'abord, il convient de préciser que ce texte définit à l'origine les règles à suivre pour combler une éventuelle vacance de la fonction, en cas de décès ou autres situations indiquant que le Président est en incapacité de gouverner. Celui-ci vient donc donner des précisions quant à l'article II, section 1, article 6 de la Constitution américaine, concernant le "remplacement" du Président en exercice par son VP en cas de décès prématuré.
Dans le cas de Donald Trump, c'est la section 4 du 25e amendement qu'il convient de scruter avec attention, permettant à son gouvernement de le limoger séance tenante. Voici ce qu'elle édicte :
"Si le vice-président, ainsi qu'une majorité des principaux fonctionnaires des départements exécutifs ou de tel autre organisme désigné par une loi promulguée par le Congrès, font parvenir au président pro tempore du Sénat et au président de la Chambre des représentants une déclaration écrite les avisant que le président est dans l'incapacité d'exercer les pouvoirs et de remplir les devoirs de sa charge, le vice-président assumera immédiatement ces fonctions en qualité de président par intérim".
Une déclaration qui, si elle est officiellement déposée, peut être refusée par le Président en exercice, ouvrant ainsi la voie à un vote au Congrès pouvant mener à la destitution du Président. Voici comment se poursuit cette section 4 du 25e amendement à ce sujet :
"Par la suite, si le président fait parvenir au président pro tempore du Sénat et au président de la Chambre des représentants une déclaration écrite les informant qu'aucune incapacité n'existe, il reprendra ses fonctions, à moins que le vice-président et une majorité des principaux fonctionnaires des départements exécutifs ou de tel autre organisme désigné par une loi promulguée par le Congrès ne fassent parvenir dans les quatre jours au président pro tempore du Sénat et au président de la Chambre des représentants une déclaration écrite affirmant que le président est incapable d'exercer les pouvoirs et de remplir les devoirs de sa charge. Le Congrès devra alors prendre une décision ; s'il ne siège pas, il se réunira dans ce but dans un délai de 48 heures. Si, dans les 21 jours qui suivront la réception par le Congrès de cette dernière déclaration écrite, ou dans les 21 jours qui suivront la date de la réunion du Congrès, si le Congrès n'est pas en session, ce dernier décide par un vote des deux tiers des deux Chambres que le président est incapable d'exercer les pouvoirs et de remplir les devoirs de sa charge, le vice-président continuera à exercer ces fonctions en qualité de président par intérim ; dans le cas contraire, le président reprendra l'exercice desdites fonctions".
Le président du Sénat étant Mike Pence, l'actuel vice-président de Donald Trump, c'est au président pro tempore du Sénat, c'est-à-dire le sénateur de plus haut rang derrière le vice-président (qui lui, est président ex officio du Sénat) que reviendrait donc la tâche de considérer une potentielle destitution. Il s'agit ici de Chuck Grassley, à ce poste depuis le 3 janvier 2019. À noter que la Chambre des représentants, dirigée par la démocrate Nancy Pelosi, a également son mot à dire.
Impeachment et 25e amendement, des procédures différentes
Et pourquoi pas un nouvel Impeachment ? Existe-t-il une différence entre les deux procédures ? Contrairement à l'invocation du 25e amendement, la procédure d'Impeachment est longue (plusieurs mois), s'agissant d'un procès instruit par le Sénat. Le Président Trump n'étant plus officiellement au pouvoir le 20 janvier prochain, soit dans deux semaines (l'élection ayant été au final certifiée), un aboutissement de la procédure est impossible.
De plus, il ne s'agit pas des mêmes textes de loi. L'Impeachment est défini par l'article 2, section 4 de la Constitution, différente du 25e amendement, section 4. Cet article 2 définit les pouvoirs du Président, et sa section 4 n'a pour conséquence que l'ouverture d'une enquête et d'un procès, contrairement au 25e amendement qui porte une action directe et immédiate au Président. À noter également, que le 25e amendement soit invoqué ou qu'une procédure d'Impeachment soit lancée, que si les procédures aboutissent, celles-ci peuvent avoir également comme conséquence d'empêcher la personne destituée (en l'occurrence, ici, Donald Trump) de se présenter à tout poste officiel dans le futur, et donc à la future présidentielle de 2024.
Bien que certains ministres et autres membres du gouvernement aient continué les discussions ce jeudi 7 janvier au matin quant à une possible destitution du Président en exercice, il y a, semble-t-il, peu de chance qu'une déclaration officielle invoquant cet amendement soit déposée au Sénat et à la Chambre des représentants. Une faible probabilité qu'a également expliquée Alan Dershowitz, avocat - démocrate - de Donald Trump pendant la précédente procédure d’Impeachment à nos confrères d'Europe 1, indiquant que le 25e amendement était "totalement inapplicable" dans cette situation. "Il a été élaboré dans le cas d’un président qui était physiquement inconscient ou cliniquement fou et donc il serait inconstitutionnel d’appliquer le 25e amendement dans le cas du président Trump", précise-t-il.