Une nouvelle tempête de sable tombait sur la France mercredi 3 mars 2021, la troisième en moins d'un mois. Vincent Guidard, responsable de l’équipe "pollution atmosphérique" au Centre national de recherches météorologiques (CNRS/Météo-France) explique dans les colonnes du Monde que « ce phénomène est assez habituel en hiver mais cette fois, il a été particulièrement remarquable et remarqué. »
Ce phénomène, bien qu'il soit commun, n'est cependant pas sans conséquence. Ce 3 mars, une alerte à la pollution a dû être lancée. Ces poussières venues du Sahara ne se déplacent pas seules : elles entraînent avec elles des virus et des particules fines nocives pour la santé.
Ces tempêtes de sable sont dues à des vents forts qui soulèvent la poussière du désert. Celle-ci monte à des altitudes troposphériques (entre 3 000 et 4 000 mètres), où elle se fait emporter par des masses d'air sur de longues distances. Ainsi, lors de la tempête de fin février, le sable du Sahara a pu être transporté jusqu'au sud de la Scandinavie.
Le réchauffement climatique joue également un rôle dans ces phénomènes qui peuvent se dérouler aussi bien en Afrique qu'en Asie ou en Europe. Avec la dégradation du climat, le Centre de prévision de la poussière atmosphérique de Barcelone prévoit une augmentation de la fréquence et de l’intensité de ces tempêtes de sable.
Cette nouvelle est inquiétante : Pierpaolo Mudu, statisticien et spécialiste des questions de pollution de l’air à l’OMS, rapporte que ces phénomènes engendrent des problèmes de santé importants. « Les études épidémiologiques ont mis en évidence un risque accru de mortalité cardiovasculaire due à des problèmes respiratoires, ainsi que d’asthme chez l’enfant. Mais ce risque a été identifié dans les effets à court terme et il y a un déficit d’études sur les effets à long terme », explique le statisticien.
Comment du sable peut-il être nocif pour la santé ? Les particules de sable en elle-même sont inoffensives, car leur diamètre est trop gros pour qu'elles puissent pénétrer dans l'organisme. En revanche, lorsque des poussières de sable sont entraînées dans l'atmosphère et voyagent sur de longues distances, elles transportent avec elles « tout un tas de polluants et d’agents pathogènes qu’elles croisent en chemin », précise Thomas Bourdrel, radiologue et membre du collectif Air Santé Climat.
Des traces d'activités humaines
Les effets de ces polluants sont nombreux. Selon une étude menée en Guadeloupe, parue dans la revue Occupational and Environmental Medicine en 2019, l’exposition aux particules en provenance du Sahara pendant la grossesse peut multiplier par trois le risque de naissance prématurée. D'autres recherches révèlent que les particules de sable peuvent être contaminées par des métaux lourds, des phtalates, des pesticides, des pollens, des bactéries ou des virus.
Thomas Bourdrel souligne la dangerosité de ces particules dans un article sur les liens entre pollution de l’air et Covid-19, qu'il a coécrit pour la revue European Respiratory. Le scientifique dévoile que ces particules nomades peuvent agir comme un cheval de Troie. « Cela a été démontré, par exemple, pour la grippe aviaire, pour laquelle on a pu mettre en évidence une transmission du virus entre deux poulaillers distants de plusieurs centaines de mètres », écrit le chercheur.
De plus, les poussières de sable du désert conservent des traces des activités humaines. Fin février 2021, l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (ACRO) a retrouvé des traces de césium 137 dans des prélèvements de sable effectués dans le Jura. Cet agent radioactif est un souvenir des essais nucléaires menés par la France en Algérie, au début des années 1960.